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Des bénédictions à partager

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Type : Réflexion
Thème : Témoigner
Source : Construire Ensemble
Réf./Date source : 82  
Publié sur Lueur le
La première prédication de Jésus a suscité des réactions plutôt animées (Luc 4.16-30). Ce jour là, dans la synagogue de Nazareth, les esprits se sont échauffés au point de vouloir précipiter dans le vide celui qu'ils avaient pourtant invité à faire la lecture de la prophétie d'Ésaïe. Qu'est-ce qui dans les propos de Jésus a bien pu provoquer une telle folie meurtrière de la part de ses concitoyens ?

Une attente déçue

Si on suit de près le mouvement du texte, on s'aperçoit que Jésus suscite d'abord une vive espérance chez les Nazaréens suivie d'une profonde déception. La littérature juive du premier siècle laisse penser que le passage d'Esaïe 61 que Jésus aborde (La citation des versets 18 et 19 se réfère à Esaïe 61.1-2 mais aussi à Esaïe 58.6) jouait un rôle clé dans l'attente qu'avait le peuple d'une libération de la tutelle romaine. L'espérance en la venue d'un Messie qui viendrait libérer son peuple de l'oppression et anéantir ses ennemis, restait très attachée à la lecture d'Esaïe 61 (Un document de Qumran de la première moitié du premier siècle, 11QMelchizedek, apporte un éclairage utile sur l'utilisation et l'importance d'Esaïe 61 à cette époque. Plusieurs allusions à Ésaïe Esaïe 61.1-3 émaillent le texte de Qumran qui fait référence à Melchisédek proclamant la libération et remettant la dette de toutes les fautes).
Quand Jésus annonce l'accomplissement immédiat de cette prophétie pour ceux qui sont dans la synagogue (Luc 4.21), il suscite donc un profond intérêt mais aussi beaucoup d'étonnement (Luc 4.22). Tout bascule cependant quand Jésus refuse d'accomplir un miracle parmi eux (v.23-24) et surtout quand il fait comprendre que la libération prophétique est aussi pour les païens (v.25-27). Élie, dit-il, a donné assistance à une veuve étrangère au peuple de Dieu alors même qu'en Israël plusieurs veuves auraient eu besoin de son secours (La construction du verset 26 insiste d'abord sur l'origine étrangère de la veuve à qui Élie porte assistance). Puis l'exemple d'Élisée, son successeur, montre qu'il ne s'agit pas d'un cas isolé. Qui plus est, Élisée guérit un lépreux, c'est-à-dire un impur. Dans la prédication de Jésus, la veuve de Sarepta la phénicienne et le syrien Naaman ouvrent «l'année favorable du Seigneur» de la prophétie isaïenne (v.19) aux nations et aux impurs. Or, cette proclamation va à l'encontre de l'attente du premier siècle selon laquelle le Messie allait instaurer un jubilé qui, non seulement libèrerait de l'oppression romaine, mais aussi punirait les ennemis d'Israël (Notons à ce sujet que la citation par Jésus de la prophétie isaïenne s'arrête sur l'année favorable et évite la mention du jugement telle qu'elle apparaît juste après dans Esaïe 61.2).
Les Nazaréens ne supportent pas d'entendre Jésus leur annoncer l'accomplissement d'une libération qui, sans les exclure, profiterait aussi à leurs oppresseurs. Cette remise en question est trop grande. Ils ne sont pas prêts à partager la bénédiction divine.

Profiter ou partager ?

C'est toute la question que nous pose ce texte. Aujourd'hui, c'est nous qui sommes au bénéfice de la libération de Dieu, nous qui croyons au nom du Fils de Dieu. À la croix, le Christ nous a libérés du péché et de la mort éternelle. Pourtant, comme les Nazaréens réunis dans la synagogue, la tentation est grande pour nous de vouloir profiter égoïstement des bénédictions divines, de s'installer dans un confort évangélique, de croire que le monde court à sa perte et de s'enfermer dans sa tour d'ivoire. La bénédiction de l'Évangile n'est-elle pas non plus pour mon voisin de palier, pour le membre de ma famille avec qui j'ai rompu toute relation, pour mon collègue de travail qui me rend la vie dure, pour le musulman que je croise dans ma cité, etc. ? Dieu désire sauver chacune de ces personnes parce qu'il ne veut qu'aucun se perde mais que tous accèdent à un changement radical (2 Pierre 3.9). Déjà Dieu dit à Abraham que la bénédiction était pour toutes les nations (Genèse 12.3). Pareillement le salut acquis en Jésus-Christ n'a de sens que si nous le partageons autour de nous, que si nous le faisons fructifier pour l'avancement de Son Royaume (Lisez à ce sujet Matthieu 25.14-29; Luc 19.12-27; Philippiens 2.12-13).

Pour aller plus loin

• Lisez Actes 13.42-52 et notez là où ce même refus de partager la bénédiction opère et comment Paul et Barnabas y font face.

• Listez les personnes dans votre entourage envers qui vous auriez le plus de mal à partager l'Évangile et priez quotidiennement pour elles.

• Interrogez-vous à partir de cet exemple de l'histoire de l'Église: « Les historiens évoquent le triste cas des Églises d'Afrique du Nord. Malgré leurs dons et leur force durant les second et troisième siècles, elles s'identifièrent trop étroitement avec la culture latine de l'élite coloniale dont elles faisaient partie sans se soucier d'évangéliser la population autochtone, ni de traduire la Bible dans son langage. Elles se plurent dans leur isolement. La première génération de chrétiens africains avait résisté aux épreuves d'une persécution sanglante de la part de l'Empire romain. En tant qu'Églises les générations suivantes ne survécurent pas à l'invasion des musulmans qui les soumit à la persécution subtile d'être désormais des citoyens de seconde catégorie » (Samuel Escobar, La Mission à l'heure de la mondialisation du christianisme, Farel, 2006, pp. 100-101).

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