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Le bonheur d'après St Augustin

Auteur :
Type : Réflexion
Thème : Chrétien au quotidien
Source : Construire Ensemble
Réf./Date source : 04-1996  
Publié sur Lueur le
Je vous propose de réfléchir un peu sur le sujet du bonheur... cette chose que nous recherchons tous, tout le temps, avidement (même si nous n'en sommes pas toujours conscients). Ne nous faisons pas d'illusions : l'homme est un être de désir plus qu'un être de devoir. La perspective du plaisir et de la joie constitue, la plupart du temps, une force d'action bien plus puissante que le seul impératif moral. Comme l'a justement souligné quelqu'un: "Rien de grand n'a jamais été accompli sans enthousiasme". Est-ce mal ? Je note que les Evangiles nous présentent beaucoup d' "hommes et de femmes de désirs" venir à Jésus et beaucoup d' "êtres de devoir" se tenir à l'écart.

Nous cherchons tous à être heureux, ce n'est pas nouveau. Parmi les nombreux "assoiffés de bonheur" se range Saint Augustin (354-430), cet illustre Père de l'Eglise qui marquera de son empreinte toute la pensée théologique occidentale après lui. Dans son fameux livre "Les Confessions" (commencé en 397 et achevé en l'an 400), il raconte son cheminement spirituel. Augustin aime la vie. Il profite largement de sa jeunesse (comme on dit), faisant les 400 coups avec sa bande de copains. Ambitieux, il veut réussir professionnellement. Il devient rhéteur (professeur d'art oratoire) et cherche à obtenir un bon poste, bien en vue et bien payé. Il arrivera à ses fins. Animé de forts désirs sexuels, Augustin aura une vie sexuelle largement "débridée". Assoiffé de vérité, il est attiré par la philosophie, et fréquentera, durant neuf ans, la secte des manichéens.

Sa conversion (en 386; il se fait baptisé l'année suivante) et son engagement résolu dans la vie chrétienne, à la suite du Christ, lui apportera ce que son coeur cherchait. Augustin relate tout cela dans son livre. Fort de son itinéraire douloureux et de son expérience chrétienne, il fait part, entre autres, de sa compréhension du bonheur. J'aimerais en dire quelques mots en articulant mes propos autour de quelques passages de ses "Confessions".

Tu nous as fait pour Toi et notre coeur est sans repos jusqu'à ce qu'il repose en Toi. (I, I, 1)

Cette parole connue d'Augustin, qui se situe tout au début de son ouvrage, nous livre sa conviction centrale au sujet de l'homme: créé à Son image, il est fait pour son Créateur, pour vivre avec Lui dans une relation vivante, vivifiante et épanouissante. Que cette relation cesse, qu'elle se distende, voire se brise, et l'humain devient un être errant, insatisfait, incomplet et inquiet. Que le mur de séparation construit par l'homme (avec des matériaux qui ont pour noms orgueil, indifférence, incrédulité, négligence) soit abattu et la source d'eau vive jaillit à nouveau, abreuvant la terre assoiffée qu'est le coeur de l'homme.

Augustin a vécu "dans sa chair" ses états de l'âme et constaté que la réussite professionnelle (accompagnée d'une certaine "aura"), la prospérité matérielle et une vie sexuelle sans frein ne comblaient pas le coeur de l'homme. Il devait certainement approuvé cette pensée du prophète Jérémie: Mon peuple a doublement mal agi: ils m'ont abandonné, moi, la source d'eau vive, pour se creuser des citernes, des citernes crevassées, qui ne retiennent pas l'eau (Jr 2.13).

O les tortueux chemins ! Pauvre âme téméraire qui espéra loin de toi, avoir mieux que Toi ! Elle se tourne, elle se retourne ; sur le dos, sur les flancs, sur le ventre, tout est dureté. Le repos unique, c'est Toi. (VI, XVI, 26)

Augustin s'étonne et se lamente à la fois de ce coeur humain qui agi d'une manière si déraisonnable: il se détourne du Bien suprême, le Seigneur, pour se tourner vers d'autre: biens de moindre qualité, pensant y trouver son bonheur. A terme, i réalise son erreur; ces biens s'avèrent incapables de le rassasier véritablement. Ils s'avèrent insuffisants.. comme les citernes crevassées du prophète Jérémie. Mais cela ne l'empêchera pas de se laisser encore et encore abuser par ces mirages.

N'est-ce pas là bien souvent notre propre histoire? Nous goûtons à le communion rassasiante du Seigneur de la vie... mais bien vite notre attention, nos désirs et notre intérêt se portent ailleurs, attirés, fascinés, happés par des biens alléchants qui, à coup sûr, si nous les possédions accroîtraient notre bonheur. Combien de fois, ils se sont avérés être de purs mirages?

Loin, Seigneur, oui, loin du coeur de ton serviteur, tandis qu'il se confesse à ta gloire, l'idée que n'importe quelle joie fasse son bonheur ! Il est une joie qui se donne non aux impies, mais à qui Te rend un culte désintéressé. La joie alors, c'est en réalité Toi. Vivre heureux, c'est quand la joie a en Toi son germe, sa source, son motif. Oui, vivre réellement heureux, c'est cela et pas autre chose. (X, XXII, 32)

Augustin ne verse pas dans un spiritualisme béat et irréaliste; il reconnaît l'existence de joies humaines, "terriennes", qui réjouissent le coeur de l'homme. Il convient de souligner cette vérité. Bien des choses ici-bas procurent à l'être humain (chrétien ou pas) de la joie: des relations humaines harmonieuses (voire amoureuses!), tel heureux événement, tel succès professionnel, sportif, telle activité dépaysante, enrichissante, etc. Toutes ces joies nous sont précieuses et embellissent notre vie. Certaines sont même indispensables à notre vie d'humains. Elles sont autant de grâces que le Seigneur, dans sa générosité, accorde "aux méchants comme aux bons".

Cependant Augustin n'assimile pas ces joies au bonheur. Celui-ci, qui est la joie par excellence, ne se trouve que dans cette relation aimante, vivante (jubilatoire, ai-je envie de dire!) du croyant avec son Seigneur. Augustin la décrit avec enthousiasme et passion. Seul Celui qui est notre Créateur et la Source d'eau vive peut désaltérer parfaitement nos coeurs assoiffés. Comme la biche soupire après des courants d'eau, ainsi mon âme soupire après toi, Ô Dieu!, dit le Psaume 42 (Ps 42.1-2). Et le Psaume 36, comme en écho, lui répond: Il se rassasient de l'abondance de ta maison; et tu les abreuves au torrent de tes délices. Car auprès de toi est la source de la vie (Ps 36.9-10). Jésus se présente comme celui qui donne de l'eau, qui désaltère vraiment (Jn 4.14), et le livre de l'Apocalypse parle de l'Agneau qui conduit les hommes aux sources des eaux de la vie (Ap 7.17).

Les réquisitoires implacables contre l'idolâtrie des hommes, que l'on trouve tout au long de la Bible (et dont la sévérité nous choque parfois), n'ont pour but que de "secouer" l'homme, de lui faire prendre conscience que toutes choses (ou personnes) en qui il placent toute sa confiance pour obtenir le bonheur et la sécurité (n'est-ce pas la définition de l'idole?) sont des illusions trompeuses, voire mortelles. Beaucoup de choses peuvent nous donner de la joie, mais seul le Seigneur peut nous apporter le bonheur. En sommes-nous persuadés? A chacun d'y répondre. Nos actes, notre façon de vivre, nos priorités sont des faits objectifs qui nous permettent de le mesurer (au moins partiellement) si nous le croyons. Laissons le mot de la fin à Saint-Augustin, notre grand frère dans la foi, que nous serions avisés d'écouter:

Tu as voulu que je Te serve et T'honore, pour que je sois heureux par Toi, à qui je dois d'être une créature faite pour le bonheur. (XIII, I, 1)

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