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A l'aube du prochain millénaire
2. Entretiens sur la fin des temps

Auteur :
Type : Dossier
Thème : Religions et Croyances
Source : Construire Ensemble   
Publié sur Lueur le
Sommaire du dossier :
  1. Entretiens sur la fin des temps
  2. Les baptistes français et le millénarisme

L'année dernière paraissait aux éditions Fayard un ouvrage collectif intitulé " Entretiens sur la fin des temps ". J'ai fait partie de ces nombreux francophones qui ont lu ce livre au titre accrocheur. Toutefois, plus que le titre, c'est la qualité intellectuelle et la diversité des quatre personnes interviewées qui m'ont donné envie de me plonger dans sa lecture.

Ces quatre spécialistes ont pour nom : Stephen Jay Gould, paléontologue américain renommé, grand explorateur des origines de la vie ; Jean Delumeau, historien français, professeur au Collège de France, catholique convaincu, qui a particulièrement travaillé les thèmes de la peur et de l'espérance en Occident durant le Moyen Age et la Renaissance ; Jean-Claude Carrière, homme de théâtre et d'écriture (scénariste de cinéastes tels que Bunuel, Malle et Godard), proche du bouddhisme ; enfin, le célèbre écrivain italien Umberto Eco, romancier (auteur notamment du Nom de la rose) et sémiologue (spécialiste de l'étude des signes et du langage).

Plutôt que de me livrer à une recension classique de ce livre, en tentant d'en relever les forces et les faiblesses, je préfère livrer à votre lecture et à votre réflexion quelques bribes de la " substantifique moelle " de cet ouvrage de 321 pages ; et par là contribuer à la réflexion sur le changement de millénaire que nous nous apprêtons à vivre. Ma présentation sera thématique.

Quand débute le nouveau millénaire ?

Est-ce le 1er janvier 2000 ou le 1er janvier 2001 ? Ce débat, qui n'est pas nouveau (il date au moins de la fin du 16e siècle !), a suscité bien des controverses à chaque changement de siècle. Deux logiques s'affrontent : la logique arithmétique (traditionnellement soutenue par les élites, les couches cultivées) et la logique symbolique (soutenue par le peuple). Selon une logique strictement arithmétique le 3e millénaire commencera le 1er janvier 2001. Pourquoi ? Parce que le moine Denys le Petit (chargé, au cours du VIe siècle, par le pape Jean Ier, de mettre au point une chronologie chrétienne de l'histoire humaine), établit le début de l'ère chrétienne en l'an 754 après la fondation de Rome qui devint le premier jour de l'an 1… et non pas de l'an 0, ce qui aurait été impossible car les mathématiques occidentales n'avaient pas encore développé le concept opératoire du zéro. Ainsi, pour qu'il dure 100 années, le 1er siècle a du se terminer le 31 décembre 100, et le siècle suivant commencé le 1er janvier 101. Et ainsi de suite jusqu'au changement de millénaire le 1er janvier 2001.

Il est intéressant de noter que jusqu'à présent les élites ont toujours imposé la célébration des changements de siècle selon cette rigueur arithmétique (ainsi la dernière fois le 1er janvier 1901), malgré le désir du peuple de le célébrer l'année précédente lorsque le changement de date est le plus impressionnant (de 1899 à 1900 tous les chiffres changent sauf le premier, et lors d'un changement de millénaire, ce sont tous les chiffres qui changent). Pour la première fois aujourd'hui, nous allons donc célébrer le changement de siècle (et de millénaire) selon la logique " symbolique ". On peut donc dire que notre 20e siècle n'aura eu que 99 années !

Qu'en est-il de la fameuse grande peur de l'an mil ?

Pendant longtemps on a cru (y compris les historiens) qu'à l'approche de l'an mil avait eu lieu en Europe un très grand mouvement de panique (on imaginait lors de la dernière nuit du millénaire les foules terrifiées pleurant dans les églises). La recherche historique récente a montré qu'il s'agit largement d'une légende qui a commencé à se répandre à partir de la fin du 15e siècle. Si cette période a connu une certaine agitation millénariste, elle n'a pas eu l'ampleur qu'on lui prêtait. D'autres périodes de l'histoire (notamment le 20e siècle) ont connu des fièvres apocalyptiques autrement plus importantes. Il faut cependant préciser que l'absence de documents officiels sur la peur de l'an mil peut être en partie le fait de l'Eglise qui n'a pas souhaité favoriser, en les enregistrant, les comportements millénaristes.

Notre changement de millénaire va-t-il provoquer un vague d'angoisse et de panique ?

Nos auteurs s'accordent à penser que non. Mis à part quelques groupes de personnes marginaux, notre société sécularisée craint beaucoup plus le fameux " bug " informatique que la colère divine et l'anéantissement soudain de notre monde. Eco souligne que pourtant les médias qui sont aujourd'hui " les gardiens de l'idéologie et de la mémoire " font tous leurs efforts pour qu'on parle d'une telle panique, et qu'il se pourrait qu'aux vues de tous les articles de journaux nos descendants croient " que toute l'humanité a été saisie d'épouvante pendant la nuit du 31 décembre 1999 " (p. 240). Toutefois, notre monde n'est pas exempt de peurs apocalyptiques ; elles ont pour noms : trou dans la couche d'ozone, pluies acides, prolifération des déchets nucléaires, modifications climatiques, surpopulation, déséquilibres économiques, etc.

Pourquoi chaque génération a-t-elle tendance à penser qu'elle va vivre la fin des temps ?

On constate d'un point de vue historique qu'à chaque siècle, on a interprété certains événements vécus (le passage d'une comète, la vache à deux têtes, etc.) comme des signes annonciateurs de la fin des temps. Les hommes ont beau le savoir, cela ne les empêche pas de croire que " cette fois, c'est la bonne ", la fin est proche. Ce besoin de penser la fin du monde est liée à la conscience de sa propre finitude (les hommes savent qu'ils vont mourir) ; l'homme a tendance à opérer un transfert de cette idée fondamentale sur l'univers.

Les révolutions de notre conception du temps

Les diverses civilisations de ce monde ont développé des conceptions plus ou moins différentes du temps. Il est aujourd'hui admis que la tradition judéo-chrétienne, contrairement aux autres traditions qui ont adopté une conception cyclique du temps (liée au cycle de la nature), a développé une compréhension " fléchée " (ou vectorielle) du temps, incluant un point de départ (création du monde et du temps, début de l'Histoire) et une fin (décidée par Dieu) débouchant sur une réalité supratemporelle. Cette conception du temps est étroitement liée aux promesses contenues dans le message biblique, et tout particulièrement à l'attente de l'avènement du Messie sauveur et libérateur. Cette conception du temps a engendré l'Histoire, a donné naissance à la notion de progrès et a joué un rôle décisif dans le développement de la civilisation scientifique occidentale.

Nos auteurs (surtout Gould) soulignent une deuxième révolution de la conception du temps qui a marqué la civilisation occidentale. A la fin du 18e siècles les savants ont découvert le " temps profond " en mettant en évidence (par l'étude des fossiles) que notre planète n'était pas âgée de quelques milliers d'années mais de plusieurs milliards. Cette révolution copernicienne a peu à peu pénétré toutes les couches de la société occidentale (il a fallu un siècle).

Visions religieuse et laïque de la fin des temps

Eco écrit à ce propos : " Pour une pensée religieuse, la fin des temps est un épisode, un rite de passage qui conduit à la Cité radieuse, à la Jérusalem céleste. Pour une pensée laïque, c'est la fin de tout, et c'est pourquoi elle tend souvent à la refouler. Cela est d'ailleurs regrettable, car la méditation sur la mort devrait être le sujet central de toute philosophie. " (p. 246).

Quel est l'avenir du christianisme ?

Dans sa conclusion, Delumeau se demande " si le christianisme est derrière nous " et si " la fin du millénaire va… marquer le moment de son agonie, le terme de son histoire " (p. 305). Il note que le 19e siècle avait proclamé la mort de Dieu, et que pourtant plus d'un siècle plus tard la religion fait souvent la une des médias et que les hôtelleries des monastères font le plein. Il relève qu'au cours de son histoire le christianisme a manifesté " une extraordinaire capacité de renouvellement et d'adaptation dans le temps et dans l'espace " (p. 306). Et l'historien de conclure : " Du point de vue de l'histoire chrétienne, nous sommes assurément à la fin d'un temps : celui du conformisme et, plus globalement, de la religion héritée de la famille. Mais peut-être sommes-nous en train d'entrer dans le christianisme du baptême des adultes. " (p. 307).

Un baptiste n'aurait pas dit mieux !

Ce que nous attendons, Seigneur
Rien de plus et rien de moins que ce que tu nous as promis :
Que ton règne vienne, règne de paix, de justice et d'amour
De nouveau cieux et une nouvelle terre
La disparition de la mort, à tout jamais
La fin des pleurs et de la souffrance
Un corps ressuscité, glorieux, immortel,
Te voir et être semblable à toi
La plénitude de ta présence en tous
Un nom nouveau, un être totalement renouvelé, à ton image
Te connaître comme tu nous connais parfaitement depuis toujours
…
Avec Job et tant d'autres de tes enfants, notre âme soupire dans cette attente.
Reviens, Seigneur Jésus.

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