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La famille et ses défis
4. Les défis de la famille : le couple

Auteur :
Type : Dossier
Thème : La famille
Source : Aimer & Servir
Réf./Date source : 132  
Publié sur Lueur le
Sommaire du dossier :
  1. La famille et ses défis
  2. Les défis de la famille
  3. Les défis de la famille : le couple

Le couple est devenu la voie royale pour vivre le bonheur dans l'amour, marié ou pas marié. Les psychologues se sont mis à s'intéresser passionnément aux couples et à leurs difficultés. Les conseillers conjugaux ont, peu à peu, cessé de chercher à sauvegarder le mariage, la conjugalité, pour écouter les aspirations individuelles des membres des couples en difficulté. Les représentants des confessions chrétiennes en France ont, eux aussi, sacrifié à la fascination du couple en soi, du "vrai couple", qui revêt une valeur spirituelle, et ont de moins en moins parlé de la famille. Le seul mot de "famille"a été ressenti comme réactionnaire. Il faisait penser à la devise "Travail, famille, patrie" du gouvernement de Vichy durant la dernière guerre, et devint un épouvantail durant les années 80. La famille semblait ne pouvoir être une valeur moderne et progressiste. Elle restait liée au patriarcat honni, au populationnisme décrié, à Pétain (qui pourtant n'avait pas d'enfant), voire au racisme par la considération exagérée pour la lignée. Le couple, lui, était une valeur de liberté et d'amour à la fois. Les églises, pour ne pas se couper des jeunes, l'ont célébré sans parler de la famille qui pourrait ou devrait en découler. Au milieu des années 80, j'ai étudié les brochures que l'église catholique et l'église réformée donnaient aux jeunes paroissiens qui manifestaient le désir de se marier. Bien sûr, le contenu de ces brochures était différent : la brochure catholique rappelait que le mariage est un sacrement et elle employait plusieurs fois le mot "engagement". Les protestants, eux, sur la lancée du synode de Dourdan, affirmaient que "l'église protestante ne marie pas" - c'est à la mairie qu'on se marie - mais bénit un couple. Cette bénédiction peut être donnée, laissaient-ils entendre, même à un couple concubin qui ne veut pas se marier.

Mais, pas plus dans la grosse brochure catholique que dans la mince brochure protestante, on ne trouvait le mot "famille" Les jeunes gens étaient exhortés à former "un vrai couple devant Dieu" mais nullement à "fonder une famille". Le couple semblait une fin en soi que consacrait le mariage. On expliquait clairement aux futurs époux qu'ils "quittaient leurs père et mère", leur famille d'origine, et devaient couper le cordon ombilical définitivement. Mais on ne leur disait pas que, devenus ainsi adultes, ils allaient faire une nouvelle famille, dont ils seraient les parents. Dans la brochure de l'église réformée, il était même envisagé que des crises pouvaient secouer le couple et on suggérait que : "parfois un bon divorce vaut mieux qu'une vie rétrécie". Pour qui le divorce pouvait-il être préférable ? Pour l'individu adulte, homme ou femme, qui estime que la "vie rétrécie" qu'il ou elle mène dans son ménage l'abîme, ou pour l'adulte qui désire recouvrer sa liberté ? Aucune allusion n'était faite à l'enfant ou aux enfants des couples ratés qui choisissaient de divorcer. Pas un mot sur le projet éclaté que signifie alors le divorce, car pas un mot sur la famille. Le couple primait sur la famille et s'il ne marchait pas, on pouvait dissoudre la famille. L'individu primait sur le couple, et s'il était malheureux, il cassait le couple.

Voici comment les églises ont participé par contagion, pour ne pas se couper des jeunes, et des moins jeunes, concubins ou divorcés, à la révolution silencieuse qui a sapé la famille dans sa dimension transmission. Comme si le couple était sa propre fin, et non un relais dans la Création, un relais dans la transmission de la vie, on a préféré taire la condition de parents et les responsabilités qui y sont attachées.

Or, en faisant du couple une valeur indépassable, on l'a fragilisé. Encore dans les années 50, on n'employait presque jamais le mot couple. On disait un ménage, ce qui donnait bien à l'association homme/femme vivant ensemble une dimension économique et sociale. C'est la dimension sexuelle et affective qui domine quand s'impose le mot couple. Il faut s'entendre affectivement, sexuellement, intellectuellement, etc. A trop charger la barque, destination "bonheur", on a rendu le voyage périlleux. Lors de la traversée des remous, il arrive que le couple fusionnel déçoive l'un des deux partenaires, la femme le plus souvent, qui attendait davantage du mariage. L'aura magique éteinte, elle se sent seule et différente.

Ce qui l'avait réunie à son conjoint n'était pas tant un projet à long terme, un engagement à vie que l'évidence du bonheur de la vie partagée. Rester ensemble quand on s'ennuie, ou pire, quand on se dispute, apparaît à beaucoup non seulement vain, mais hypocrite. Ce serait retomber dans les ornières des ménages mariés d'hier et d'avant-hier qui restaient ensemble parce que c'était l'usage, pour la société. Désormais, on n'agit plus pour la société, mais avec l'honnêteté d'être soi-même, sincère, authentique.

C'est là la morale de la société individualiste : les liens n'ont de valeur que quand ils sont librement consentis par des êtres libres, autonomes. Les femmes ont enfin la liberté de concevoir seulement si elles le désirent. Comment ne se seraient-elles pas senties également libres de se dégager d'un couple où elles ne sont plus heureuses et se sentent souvent humiliées ? Je vous rappelle la preuve quantitative de ce que je viens d'avancer : 75 % des divorces sont initiés par les femmes. On n'a pas de statistiques concernant les ruptures des couples non mariés, mais les études faites sur les biographies, depuis une vingtaine d'années, montrent bien qu'il en va de même pour eux. Ce sont les femmes qui rompent et "reprennent leur liberté". Il ne m'appartient pas de juger si elles ont raison ou tort, mais de signaler, pour en avoir interrogé des centaines et même des milliers qui s'apprêtaient à divorcer, qu'elles étaient toutes persuadées "qu'elles auraient les enfants", pour employer leur expression. C'est-à-dire que la résidence principale des enfants leur serait confiée. En écho, j'ai recueilli les confidences de centaines d'hommes qui vivaient très mal leur divorce et employaient presque tous la même formulation : "C'est vrai, notre vie de couple n'était pas la perfection, mais de là à tout foutre en l'air !", c'est-à-dire à les priver de foyer, d'enfants, souvent de logement. A la fin du XIXe siècle, Durkheim remarquait déjà que les femmes supportaient plus mal un mariage médiocre ou raté, et que les hommes supportaient beaucoup plus mal le divorce.

Les hommes supportent plus mal
le divorce.
Les femmes supportent plus mal
un mariage médiocre

Mais, durant les vingt années 1975-1995, on était en pleine période féministe. Le législateur, enfin conscient des discriminations dont avaient souffert les femmes, promulgua des lois tendant à leur donner un statut en rapport avec leur éminent rôle de mère éducatrice. On a voulu en finir avec le pater familias exécré et avec les survivances du patriarcat. Du coup, on a infléchi le balancier et déséquilibré les rôles parentaux. Les femmes seules, les femmes divorcées et les concubines se sont vu investies d'autorité parentale et de droits qui étaient refusés ou chichement accordés aux pères, même s'ils avaient reconnu leurs enfants et les entretenaient. Un tort considérable fut fait à la fonction paternelle, tenue pour secondaire pendant cette vingtaine d'années. A la fin de cette période, l'INED dénombrait 2.000.000 d'enfants séparés de leur père, dont 40 % ne le voyaient jamais ou moins d'une fois par mois. Des dizaines de milliers de pères connurent des états dépressifs d'autant plus douloureux que la société ne reconnaissait pas leur souffrance. Psychiatres et psychologues les voyaient peu. Les magistrats affirmaient qu'ils ne désiraient pas la garde de leurs enfants. On attribuait leurs déprimes et leurs suicides, et les révoltes qui les faisaient se regrouper en associations de pères dépossédés, à leurs difficultés de machos à accepter l'émancipation des femmes. Il a fallu attendre la fin des années 90 pour que juges, médecins et psychologues, surtout femmes, considèrent enfin le sentiment paternel comme réel et puissant et le rôle du père dans l'éducation de l'enfant comme nécessaire et bénéfique. Il a fallu attendre 2001 pour que Ségolène Royal ait le courage de modifier le droit dans le sens de la co-parentalité, engageant les deux parents, le père et la mère, même après les séparations, à exercer conjointement leur autorité parentale.

C'est qu'on commençait à comprendre ce qui était advenu aux enfants des couples séparés. On commençait à prendre conscience de l'importance pour les enfants du foyer dans lequel ils grandissent. En 1998 et en 2001, ont été publiés de très grosses enquêtes réalisées, non sur les membres des couples, mais sur les enfants adolescents.
La première, effectuée sous l'autorité du ministère de la Santé auprès de 4 150 adolescents de 12 à 19 ans établit de manière irréfutable que les enfants dont les parents se sont séparés, et particulièrement ceux qui vivent avec leur mère dans un foyer recomposé, (ce sont les plus atteints) ou dans un foyer monoparental, présentent plus souvent que les autres des difficultés. Ils ont davantage de troubles de santé, une plus grande tendance à user et abuser des substances psychotropes (tabac, alcool, cannabis, médicaments détournés de leur usage), une vie scolaire plus instable, une vie sexuelle précoce et décousue, ils participent davantage à des violences, ont plus d'accidents que les enfants vivant au foyer de leurs deux parents.
La seconde étude est une thèse de doctorat qui reprend les résultats obtenus par l'INSEE dans ses enquêtes "Devenir des jeunes" sur 19 000 jeunes de 18 à 25 ans. Il apparaît que les résultats scolaires et les niveaux d'études de ceux dont les parents se sont séparés sont inférieurs aux résultats obtenus par les jeunes dont les parents sont restés unis - et ce dans tous les niveaux économiques et même si la mère avec laquelle sont restés les enfants de couples désunis a un niveau d'éducation élevé.

C'est également à l'extrême fin du siècle dernier que plusieurs juges pour enfants, confrontés à des formes nouvelles de délinquance juvénile, ont observé combien l'absence de père au foyer des jeunes comparaissant devant eux était fréquente. Au point que le président du tribunal pour enfants de Paris, Alain Bruel, a pu écrire, dans un rapport, que la présence du père apparaît comme "une prévention de risques sociaux graves". Ces études, ces rapports ont été mal reçus par les tenants de la liberté individuelle issue de la révolution sexuelle et ils ont cherché à en étouffer ou interpréter les résultats. Néanmoins, un grand pas était franchi : on ne parlait plus seulement des adultes, mais on étudiait la situation des enfants en fonction de la forme de leur famille. Enfin, le diagnostic était fait, prenant en compte la dimension parentalité, et même bi-parentalité de toute la famille. On commençait à envisager la famille du point de vue de l'enfant, et non plus seulement comme découlant des désirs et décisions des adultes.

Dans le même temps, une nouvelle lecture du fait familial était proposée par la science. Or, tous les changements survenus depuis 1965 dans la famille s'étaient faits au nom des désirs, des sentiments, des liens affectifs unissant ses membres, en atténuant beaucoup ce que la famille doit aux liens biologiques. Combien de fois n'a-t-on pas dit que les "vrais parents" sont ceux qui chérissent et élèvent les enfants, que "le père, c'est celui qui aime", etc. Pendant des décennies on a donné le pas à la psychologie sur la biologie et l'amour est apparu comme le seul vrai lien fondateur de la famille. L'homme et la femme se sentaient libres : le couple était un choix d'amour, la parenté le devenait également. D'où l'extrême faveur dans laquelle ont été tenues les familles adoptives durant les quarante dernières années, familles toutes d'amour et de volonté libre, sans nécessité biologique. D'où, également, la vogue des familles dites "nouvelles", "formes alternatives de la famille" construites autour d'un couple avec la présence d'enfants qui ne sont pas issus des deux membres du couple. Pour certains sociologues comme François de Singly ou Irène Théry, ces familles, groupes formés par "des gens ayant plaisir à vivre ensemble" indépendamment des liens génétiques, sont l'ex-pression la plus claire de la modernité qui a suivi la révolution sexuelle. Ainsi de la famille dite "recomposée" autour d'un nouveau ménage dont l'un des partenaires, parfois les deux, a la garde d'enfants issus d'une précédente union rompue. C'est devenu le sujet de prédilection des téléfilms. Des juristes, consultés par Elisabeth Guigou quand elle était Garde des Sceaux, ont même proposé de créer un statut juridique pour "le tiers", le deuxième mari ou la deuxième femme devenu beau-père ou belle-mère d'enfants avec qui il ou elle vit, alors même que leur parent génétique vit toujours et en est éloigné. La famille serait la création permanente du plus désirant et du plus responsable des parents.

Dans la foulée, on a vu les homosexuels réclamer le droit de former des familles recomposées autour de leur couple amoureux élevant les enfants de l'un d'entre eux ou des enfants adoptés.

Leur famille n'est pas
"recomposée"
elle reste
bel et bien
"décomposée"

Arrivés à ce point, nous devons dénoncer l'hypocrisie de ce vocabulaire qui abuse du mot "famille". Pour les enfants élevés dans ces groupes composites, leur famille n'est pas "recomposée", elle reste bel et bien "décomposée" car leur père est d'un côté, leur mère d'un autre. Ils ont ailleurs un ou des parents qui leur ont donné la vie et ils sont obligés de vivre avec un ou des "tiers" (qu'ils peuvent aimer - ou détester). Des psychologues se trouvent pour expliquer que l'enfant, dans ces circonstances, ne peut qu'être heureux car la "famille" où il est amené à vivre est fondée sur l'amour. On peut discuter sans fin de la mesure du bonheur. Mais la sociologue se doit d'attirer l'attention sur la fragilité de ces reconstructions. Durant ces vingt dernières années, les études ont montré combien souvent ces familles "recomposées" se "décomposaient" et que d'autres les remplaçaient. En outre, on ne peut nier que ces conceptions de la famille soient terriblement "adultocentristes", fondées sur le couple sexuel-affectif, et non sur la parenté, fabriquées par des adultes imbus de leur liberté, et non sur l'acceptation par les parents du schéma de la Création.

Mais depuis la fin du XXe siècle, depuis 1985 et la mise au point du test des empreintes génétiques fondé sur l'analyse de l'ADN, il est devenu impossible de faire semblant d'ignorer ce schéma. Une ère nouvelle commence, celle de la science du vivant, qui dévoile les mécanismes de la Création, les mystères de la transmission de la vie. Dès lors, ce ne sera plus le couple qui tiendra les premiers rôles comme après la révolution sexuelle, mais le lien mère/enfant et le lien père/enfant ; les liens de fratrie et ceux des lignées prendront de la visibilité et de l'importance, ce qui modifiera l'architecture et le devenir des familles, d'autant qu'il sera possible de déterminer à coup sûr la paternité d'un enfant, pour la première fois depuis l'origine des temps. L'opinion n'a pas encore compris cette formidable révolution à venir. Si vous dites : "génétique", les gens pensent encore : inné, fixisme, destin ou au contraire manipulations, aventures en laboratoires. Ils ne voient pas que la famille, le droit de la famille, la pratique de ce droit, le vécu familial sont ou vont être modifiés par le déchiffrage des liens génétiques.

Pour la première fois dans l'histoire des hommes, les liens parentaux génétiques peuvent être scientifiquement reconnus, établis, prouvés. On s'aperçoit alors qu'ils présentent des caractères bien remarquables : ils sont indéniables (une fois établis, ils ne peuvent être récusés) ; ils sont infalsifiables, inimitables (on peut fabriquer de la parenté juridique mais pas de la parenté biologique) et surtout ils sont inaltérables, depuis la première cellule formée par la rencontre de tel ovocyte avec tel spermatozoïde, jusque dans les ossements de l'être ainsi créé subsistant après la mort, le lien père/enfant et le lien mère/enfant pourront être reconnus sans modification aucune.

A l'heure où les liens unissant les couples apparaissent si fragiles, comment ne pas être frappé par la permanence des liens de parenté biologique ? On peut avoir plusieurs partenaires et plusieurs conjoints. Mais chacun d'entre nous n'a et n'aura jamais qu'un seul père et qu'une seule mère génétiques. "Quelle importance", disent les uns, "puisque, par l'adoption, un enfant peut trouver une autre famille qui l'aime et l'entoure ?" Mais qui ne sent, aujourd'hui où tant d'enfants adoptés viennent de continents lointains, que l'amour qu'ils peuvent recevoir dans leur famille adoptive et qui en fait des enfants choyés et bien insérés socialement dans leur pays de vie, que tout cela ne peut remplacer (au sens littéral, mettre à la place de) leur identité originelle ? Par identité originelle, j'entends leur identité physiologique dont dépendra en partie leur santé, mais également leur sentiment d'être différents de leurs parents adoptifs et de "tenir" d'une autre civilisation des tendances qu'ils chercheront à ignorer ou à flatter, à repousser ou à cultiver. Bientôt, il n'y aura plus de parents adoptifs qui prétendront être les seuls parents, en dépit des dispositions de la loi de 1966 qui a créé l'adoption plénière, laquelle gomme les origines de l'enfant. Un jour ou l'autre, la France sera condamnée pour cette loi et pour l'accouchement sous X qui ne respecte pas les droits de l'enfant à connaître ses origines dans toute la mesure du possible (Convention Internationale des Droits de l'Enfant, 1990).

Si on peut prévoir la place grandissante que tiendra la parenté génétique à l'avenir, cela ne signifie nullement que cette montée de la vérité des liens biologiques s'accompagnera d'un affaiblissement des liens du coeur. Au contraire, me semble-t-il, les parentés adoptives, débarrassées de toute prétention possessive égoïste, pourront se développer mieux que dans le climat trouble du non-dit. On apprendra à tout enfant séparé de son ou de ses géniteurs la différence avec les parents qui l'élèvent, et ce qu'il doit aux uns et aux autres, et on ne lui cachera pas comment et pourquoi s'est construite la situation qui est la sienne. Moins de secrets, moins d'hypocrisie, davantage de considération pour les droits de l'enfant à savoir de qui il est né. Ce climat plus salubre permettra de donner un coup d'arrêt aux élucubrations des homosexuels qui militent aujourd'hui pour une prétendue "multiparentalité" brouillonne et ambiguë, procédant seulement des désirs adultes et soumise à leurs fréquents changements.

De même, on ne pourra longtemps encore empêcher en France les particuliers de recourir aux test d'ADN pour déterminer une paternité. Ils doivent aujourd'hui se faire un procès car seul un tribunal peut ici ordonner un test, qu'on peut faire faire librement dans les laboratoires spécialisés à l'étranger, et même par correspondance. On dirait que les juristes français qui, depuis des siècles, ont "fait le père" par le droit, ne parviennent pas à lâcher leur pouvoir et à permettre à la science d'avoir raison sur le prétoire. Peut-on sincèrement souhaiter que des hommes puissent lâchement se dérober devant leurs responsabilités ? Peut-on souhaiter que d'autres soient inquiétés à tort et rançonnés par des femmes indélicates ? Rappelez vous l'affaire Montand. J'ose prétendre que la possibilité de déterminer le père va modifier peu à peu les conduites et les mentalités des jeunes gens élevés devant cette évidence. Pendant des siècles, on a mis en garde les filles sur ce qui pouvait leur arriver si elles faisaient trop confiance à un garçon. Maintenant, elles sont prévenues, ou devraient l'être, de la nécessité de la contraception. Les garçons, eux, vont être de plus en plus couramment mis en garde sur les conséquences possibles de leurs irresponsabilités.

S'agissant de la famille, nous entrons dans une nouvelle ère. Les psychanalystes mettent à jour leur conception du père et de sa fonction. Jusqu'ici, ils partaient de l'adage : mater certissima, pater semper incertus (la mère est tout à fait certaine, le père toujours incertain). Et voilà que le père est certain...! Il ne peut plus être seulement "celui que désigne la mère".

La mère ne pourra plus lui dérober sa paternité et il ne pourra plus se dérober à sa propre paternité. Les psychanalystes se trouvent devant une autre réalité scientifiquement établie qui bouleverse certaines de leurs interprétations : on sait aujourd'hui que, génétiquement, tout enfant est composé pour moitié par l'apport maternel des gènes dont l'ovocyte est porteur, pour moitié par l'apport paternel des gènes contenus dans le spermatozoïde fécondant. En sorte que, génétiquement, la mère n'est pas plus mère que le père n'est père, même si elle est biologiquement préparée à accoucher de l'enfant et à le nourrir. Le père et la mère véhiculent à parts égales, les gènes qu'ils ont reçus de leurs ascendants respectifs, - dans le plus grand respect du mystère de la création qui est admirable variété et extraordinaire renouvellement. Certes, on ne sait ce que déterminent ces gènes, dont le déchiffrage est loin d'être fait mais c'est l'héritage reçu, autant du père que de la mère. La femme qui veut "faire" et élever seule un enfant prive son enfant de la moitié de son identité ; aucun substitut de père qu'éventuellement elle pourrait chercher ne la lui rendra. Il n'est pas conforme au plan de la transmission de la vie de supprimer ou d'éloigner ou de minimiser le rôle du père. Il est évident que, sachant cette réalité, des hommes seraient absolument lâches de se retrancher derrière un prétendu statut croupion du "géniteur" et de ne pas assurer leur rôle de père.

Et du moment où nous déchiffrons le merveilleux agencement de la transmission de la vie, ne pouvons-nous l'accepter dans l'humilité, sans chercher à jouer aux apprentis sorciers en risquant cette transgression suprême que serait le clonage ? Songez qu'en cas de clonage, l'enfant ainsi produit ne serait pas né de deux parents, mais serait la copie d'un seul ! Il n'aurait pas, à proprement parler, de famille. Je ne puis croire que l'humanité en vienne à ce sacrilège.

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