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Membre d’Église, Pourquoi pas ?

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Type : Réflexion
Thème : L'Eglise
Source : Construire Ensemble
Réf./Date source : 56  
Publié sur Lueur le
Préambule: Il est de notoriété publique que l'engagement a mauvaise presse. La tendance actuelle est bien souvent de privilégier des actions ponctuelles - appels pour des causes humanitaires, grands rassemblements, etc. - mais d'hésiter à s'engager à long terme. Ce diagnostic est partagé par les associations, les syndicats ou les partis politiques. La valeur la plus importante est, de nos jours, la liberté. On veut pouvoir mener des actions qui semblent utiles et bonnes, mais sans se lier par des engagements qui pourraient devenir rapidement difficiles à supporter. Nous devons bien reconnaître que les Églises connaissent le même problème.

L'individualisme et l'air du temps

Bien des personnes viennent au culte, participent souvent aux activités de la communauté, peuvent même à l'occasion se montrer généreuses mais hésitent à faire le pas de l'engagement. Elles souhaitent pouvoir aller dans d'autres Églises, participer à des rencontres occasionnelles, mais reculent devant le fait de devenir « membres » d'une Église. Il arrive même que l'on cherche à donner à ce comportement des justifications spirituelles. Dans cette perspective, l'adhésion à une Église, une « association cultuelle », serait un acte non spirituel puisqu'il concernerait une institution humaine, alors que seul l'engagement « spirituel » a de la valeur.
La diversité des dénominations elle-même devient un argument. Pourquoi faire partie de telle Église plutôt que de telle autre ? Pourquoi se coller sur le dos une étiquette, alors que nous sommes membres du Corps du Christ et que cela seul compte ? Peut-être un certain sectarisme que l'on a pu, à l'occasion, rencontrer est-il devenu une sorte de repoussoir qui justifie une certaine facilité. Car reconnaissons que, au moins dans les Églises évangéliques, le confessionnalisme est peu prononcé. Pourquoi la plupart des personnes qui appartiennent à telle ou telle Église, sont-elles baptistes, libristes ou méthodistes, etc. ? Généralement parce que l'Église est bien située pour eux, parce que le groupe de jeunes est dynamique, la prédication du pasteur stimulante ou simplement agréable…
Le danger de s'enfermer dans une confession est d'autant plus faible que les communautés évangéliques vivent de plus en plus une communion réelle entre elles et que les passages de l'une à l'autre sont monnaie courante. La raison la plus importante me semble être que la foi est perçue comme une affaire personnelle qui ne regarde que moi. Je peux aller dans une Église, comme je vais dans une librairie, dans un supermarché ou dans une salle de concert qui me propose un programme alléchant, mais de là à en « faire partie »…

Membres d'un corps

Or, que veut dire devenir chrétien ? Certainement entretenir avec Dieu une relation personnelle, mais pas seulement. C'est aussi entrer dans un corps spirituel, le corps du Christ.
Vous êtes le corps du Christ, vous en faites partie, chacun pour sa part, disait l'apôtre Paul aux Corinthiens (1 Co 12.27). Il avait auparavant précisé : C'est dans un seul Esprit que nous tous - soit juifs, soit grecs, soit esclaves, soit hommes libres - nous avons reçu le baptême pour appartenir à un seul corps ; et nous avons tous été abreuvés d'un seul Esprit (1 Co 12.13). Cette réalité du corps qu'est l'Église, elle-même structurée, comme le dit Paul, par les ministères que Dieu accorde à son Église, est la manière naturelle de vivre la vie chrétienne. Nous sommes ensemble pour apprendre les uns des autres, pour nous soutenir et pour manifester déjà sur cette terre, et de manière encore bien imparfaite, une esquisse de la réalité du Royaume qui existe déjà, même si elle n'est pas encore pleinement manifestée. L'amour que les disciples auront les uns pour les autres est le signe de la réalité nouvelle que Dieu vient susciter.
Cette notion de corps est bien plus qu'une image, elle repose sur le don de l'Esprit en chaque croyant. C'est parce que, d'une manière mystérieuse mais réelle, nous avons tous le même Esprit que nous sommes membres d'un même corps, celui du Christ, et par là-même membres les uns des autres.

Il est donc vrai que cette réalité de l'Église est d'abord spirituelle (au sens de créée par l'Esprit de Dieu), mais, parce qu'elle est aussi humaine, elle ne peut qu'être aussi institutionnelle. C'est bien ce que nous voyons dans les Actes des apôtres où la première communauté de Jérusalem va peu à peu s'organiser pour répondre aux situations nouvelles et aux besoins qu'elles suscitent. Bientôt, toutes les Églises d'Antioche, de Corinthe, de Rome, etc. auront leur manière de s'organiser, leurs anciens et leurs diacres et elles ne pourront manquer, comme les Églises d'aujourd'hui, de connaître les tensions et les rivalités, les relations et les incompréhensions. Là encore, elle trouveront des modes de relation et des manières de maintenir entre elles l'unité. L'Église ne peut donc qu'être à la fois une réalité spirituelle et une institution humaine. À vouloir supprimer cette dernière dimension, il ne resterait plus qu'une vision idéale et désincarnée, toute intérieure, du corps du Christ. Qu'on puisse le penser, pourquoi pas ? Mais il faut alors accepter de reconnaître que ce n'était manifestement pas la manière de penser des apôtres ni celle des premières communautés chrétiennes. Les uns et les autres mettent en effet l'accent sur la réalité de la communauté fraternelle qui, sans être idéale et avec ses difficultés, est à la fois le signe visible et le lieu concret de cette vie commune animée par l'Esprit du Christ.

Engagés et responsables

Il existe des Églises qui sont d'abord de grandes institutions. Ce n'est pas le cas des Églises évangéliques qui ne peuvent fonctionner que si leurs membres s'engagent. En cela, elles me semblent proches de l'esprit de la communauté du Nouveau Testament. Quels sont les domaines pour lesquels l'engagement est nécessaire ?

Osons commencer par les finances. Certes, ce n'est pas la question la plus importante d'une Église, mais reconnaissons qu'elle est bien nécessaire. Nos Églises ne reposent, dans ce domaine, que sur la participation de leurs membres. S'engager, ce n'est pas donner de temps en temps sur un coup de coeur, mais apprendre à être fidèle dans la régularité. Toutes les activités de l'Église ou presque dépendent de cette fidélité.

S'engager, c'est aussi chercher à discerner sa place dans la communauté. On peut participer au culte, voire à l'étude biblique ou à un groupe de maison, mais de quoi puis-je être responsable ? Quels sont les dons que le Seigneur veut accorder par moi à la communauté ? Car ce que le Seigneur donne n'est pas pour la personne seulement, mais pour la construction harmonieuse du corps dans son ensemble (1 Co 14.12). Or, chacun reçoit de Dieu des dons particuliers ; certains sont très visibles et évidents, d'autres sont plus discrets et il faudra de l'aide pour les discerner, mais tous nous pouvons faire quelque chose. Dans ce domaine, ce n'est pas la quantité qui compte le plus, mais le fait d'être à sa place et d'être le canal voulu par Dieu. Les différentes activités de l'Église et avant tout son témoignage et son rayonnement supposent la participation de chacun.

Enfin, notre engagement dans l'Église concerne également sa direction, le choix des grandes orientations de la communauté. Dans nos Églises, l'autorité finale est l'assemblée. Le pasteur et le conseil proposent, préparent les décisions, mais c'est l'assemblée qui décidera en fin de compte de l'orientation finale. La conception d'Église de professants facilite bien sûr cette démarche communautaire et il va de soi que seuls les membres, ceux qui ont accepté de s'engager, ont aussi la possibilité de voter. Il est vrai que, dans nombre d'Églises, l'assemblée ressemble à s'y méprendre à une A.G. d'association. Nous avons certainement du chemin à parcourir pour que nos assemblées d'Église soient des lieux de discernement communautaire de la volonté de Dieu. Mais là où cette volonté existe et où l'Église se donne les moyens, et peut-être aussi le temps de cette recherche, celle-ci devient pour chacun un apprentissage du discernement qui pourra ensuite être appliqué dans sa vie personnelle.

Il nous faut donc lutter contre les tentations si fréquentes de la consommation spirituelle sans engagement. Dans la vie de l'Esprit, ne pas s'engager, c'est demeurer à la surface des choses, c'est refuser d'entrer jusqu'au bout dans la démarche de Dieu pour chaque croyant. À nous, sans doute, de le faire comprendre et de donner envie par la qualité de la vie fraternelle et les fruits manifestés dans la vie de ceux qui s'engagent sur ce chemin.

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