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Le chrétien et la politique - De l’amour à la justice

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Type : Réflexion
Thème : Questions de Société
Source : Construire Ensemble
Réf./Date source : 81  
Publié sur Lueur le
Certains chrétiens hésitent à justifier toute prise de position ou tout engagement dans le domaine politique. Ils ont du mal à discerner le lien qui pourrait exister avec leur foi.

L'amour du prochain

Lorsque l'on veut exprimer l'essentiel du comportement chrétien, on se tourne, bien sûr, vers la parole de Jésus qui nous donne le résumé de la loi. À quelqu'un qui lui demandait Maître, quel est le grand commandement de la loi? il répondit: Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme et de toute ton intelligence. C'est là le grand commandement, le premier. Un second, cependant, lui est semblable: Tu aimeras ton prochain comme toi-même. De ces deux commandements dépendent toute la loi et les prophètes (Matthieu 22.36-40). L'amour pour le prochain est donc placé au même niveau que l'amour de Dieu. La question est bien sûr de savoir qui est mon prochain. Car notre tentation sera de réduire le cercle de ceux qui méritent ainsi notre amour. Et c'est en réponse à cette question, posée par un spécialiste de la loi, que Jésus a donné la parabole du bon samaritain (Luc 10.25-37). Un homme se fait agresser sur une route et est laissé pour mort par les brigands. Des gens très bien passent sur ce chemin sans s'arrêter. Un samaritain (donc une personne peu appréciée des auditeurs de Jésus) s'arrête, le soigne, le mène à l'hôtellerie et donnera de l'argent pour qu'on prenne soin de lui. Et Jésus pose la question: qui, à votre avis, a été le prochain de cet homme blessé? L'amour du prochain est donc celui de toute personne qui est dans le besoin, si éloignée soit-elle, et c'est un amour qui coûte. La question n'est plus de savoir qui est mon prochain, mais comment puis-je être le prochain de celui qui a besoin de moi. Jésus ira d'ailleurs jusqu'à parler de l'amour de l'ennemi pour bien souligner que le prochain n'a pas à mériter notre amour.

En continuant la parabole du bon samaritain

Tous les chrétiens seront d'accord pour reconnaître dans cette parabole de Jésus l'essentiel de ce qu'ils sont appelés à vivre. Mais imaginons que la parabole continue. Le lendemain, une autre personne se fait attaquer sur cette même route par la même bande de brigands. Mais cette fois, pas de bon samaritain qui passait par là et la victime a succombé. Et plus tard, régulièrement, de telles attaques se reproduisent. Ne faudra-t-il pas, si nous voulons aimer notre prochain comme nous-mêmes, nous soucier de la sécurité sur cette route et faire en sorte qu'il devienne possible de voyager sans mettre sa vie en danger? Le fondement reste bien le même souci du bien de l'autre, l'amour du prochain. Mais on commence à passer d'une relation courte: moi et mon prochain, à une relation plus complexe: nous et nos prochains, tous ces gens que nous ne connaissons pas mais qui vont emprunter cette route. On en arrivera ainsi à ce qui relève de l'organisation de la cité, qui est une autre manière de parler de la politique. Les vertus qui ont été celles du samaritain de cette histoire demeureront aussi nécessaires: dévouement, courage, générosité. Mais les choses seront certainement plus difficiles.

Des relations plus complexes

Car l'action comme les qualités du samaritain ne relèvent que de lui. Alors qu'il faudra convaincre d'autres personnes du bien fondé de la démarche. Il faudra apprendre à discuter avec ceux qui auront d'autres opinions, il faudra sans doute trouver un compromis pour passer à l'action. C'est qu'on ne se situe plus dans la simple relation à l'autre, mais dans les relations plus complexes d'une société. Et celle-ci n'est pas le Royaume de Dieu, mais notre société humaine pleine d'ambiguïtés, dans laquelle le bien et le mal se mêlent de manière souvent inextricable. Il est donc vrai que l'engagement sera plus difficile, moins évident en quelque sorte. Mais si personne ne prend la chose au sérieux, les brigands de la parabole continueront de faire des victimes. On pourrait croire qu'il fut un temps où nous pouvions assez facilement nous cacher derrière le fait que cela ne nous concernait pas. Les puissants, ceux qui détenaient le pouvoir, ne demandaient pas leur avis aux autres et ceux-ci n'avaient qu'à supporter ce que d'autres décidaient pour eux. En fait, la possibilité de cet engagement "politique a toujours existé, car il se joue à tous les niveaux de la société: dans l'État, bien sûr, souvent inaccessible, mais aussi dans le village, dans le petit groupe. Et, en outre, nous sommes dans des sociétés qui demandent à leurs membres leur avis et qui leur permettent de s'engager pour le bien commun.

La justice

Vous avez certainement remarqué avec quelle véhémence les prophètes de l'Ancien Testament appellent ceux qui détiennent l'autorité, mais aussi les riches et les puissants, à avoir un comportement juste (Amos, Osée, etc.). On pourrait dire que la justice, c'est l'amour en société. Lorsque je suis face à quelqu'un d'autre, il m'est demandé "simplement de l'aimer comme moi-même, c'est-à-dire de me comporter à son égard comme je souhaiterais qu'il le fasse au mien. Mais dès que nous sommes plusieurs et que des conflits surgissent, c'est la justice et l'équité qui doivent être recherchées. La radicalité de l'enseignement de Jésus sur l'amour du prochain et de l'ennemi s'adresse à moi, mais il ne saurait être question de l'imposer à quiconque. C'est du coeur que cela peut venir, et nous savons tous avec quelle difficulté. Il n'est donc pas possible d'en faire une règle de comportement pour une société humaine. Même l'Église, bien qu'elle soit le lieu privilégié de la mise en pratique de cet enseignement, ne peut atteindre cette perfection. Alors que l'équité - qui est en quelque sorte le minimum de l'amour - peut et doit être de règle dans la vie sociale. Dieu n'appelle certainement pas tous ses enfants à faire de ces engagements une chose essentielle de leur vie; c'est à chacun de discerner l'appel qui lui est adressé. Mais celui qui se désintéresse de ces questions se désintéresse en fait de ceux qui l'entourent et de leurs problèmes. On dit souvent que la perfection n'est pas de ce monde, et c'est évidemment vrai dans notre situation actuelle, mais tendre vers le mieux, le plus juste, est toujours possible. Et le mouvement du coeur qui nous pousse dans cette direction, c'est encore l'amour dont nous parlait Jésus.

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