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Que peut-on savoir de Jésus-Christ?

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Type : Réflexion
Thème : Jésus-Christ
Source : Construire Ensemble   
Publié sur Lueur le

L'histoire des historiens

Ce serait peine perdue que de chercher dans l'histoire du premier siècle des indications concernant Jésus-Christ. Les grands historiens-rhéteurs de l'époque: Tacite, Pline le Jeune et le plus tardif Suétone ont ignoré les événements de Palestine. La région était si loin de Rome et si insignifiante dans les grands enjeux de l'empire! On pourrait s'attendre à autre chose du Juif lettré Flavius Josèphe qui a abondamment écrit sur l'histoire de son peuple. A part un bref passage qui, de toute évidence, est d'une plume plus tardive et bien intentionnée*, aucune allusion n'est faite à l'existence même de Jésus-Christ. D'ailleurs Flavius Josèphe était un homme d'ordre, admirateur du pouvoir romain, surtout dans la seconde partie de sa carrière. Même s'il connaît bien les diverses écoles de pensées juives: Pharisiens, Sadducéens, Esséniens, il déteste tous les réfractaires. Il faut dire que les prophétismes douteux et les intégrismes violents foisonnaient à cette époque.

L'histoire s'est toujours préoccupée des grands, de la politique, des intrigues pour le pouvoir, des guerres, des répressions et des hommes qui s'y sont illustrés. Il n'est donc pas étonnant qu'en fin de compte, il ne soit nulle part question de Jésus. Outre ces raisons de circonstances, il en est d'autres qui expliquent beaucoup mieux que Jésus ait été ignoré des historiens de son temps, des raisons de principe et des raisons de personnalité.

Une affaire de principes

Jésus avait confié aux disciples, et ils se le rappelaient, les trois grandes tentations qu'il avait eu à surmonter seul au désert. C'était l'utilisation du pouvoir à des fins purement personnelles, la mise à l'épreuve, voire la provocation de la bonté de Dieu et enfin, la revendication d'un quelconque pouvoir temporel (Mt 4.1-9). Autant de renoncements qui l'excluaient de la scène politique, et le soustrayait à l'intérêt des historiens, tant païens que juifs. Les premiers disciples ont accepté, non sans difficultés d'abord, les conditions de ce nouveau règne, à la vérité bien peu spectaculaire, et les ont respectées au moins pendant les premières générations. En sorte que leur personne et leur action se sont trouvées reléguées dans les obscures annexes de l'histoire, tout comme Jésus, à sa naissance n'avait trouvé qu'une place insignifiante à l'étable.

Une affaire de caractère

L'Histoire, la grande, se penche avec avidité et délectation sur les hommes que leurs actes ont singularisés dans l'infatigable conquête du pouvoir. Leur action a révélé ce qu'il est convenu de nommer le caractère. Qu'est-ce au juste? "Manière habituelle et constante de réagir propre à chaque individu", dit un dictionnaire. Dans la société, c'est savoir affirmer ses droits, imposer au besoin par la force ses opinions, posséder assez d'adresse pour profiter des circonstances, suffisamment de ruse pour s'assurer l'aide des puissants et acquérir du pouvoir. En fait, par caractère, on sous-entend "avoir du caractère" ou plus exactement manifester un trait de caractère particulier qui, tout au long de la vie, marquera significativement une personne et ses actions. Il sera alors possible d'en dresser un portrait avec ses traits enviables et ceux qui le sont moins. Pour un meilleur éclairage, on tentera enfin d'expliquer la personnalité par l'enfance et les premières relations familiales. Autant dire que coexistent dans un individu des aspects réactionnels aux pulsions infantiles, plus ou moins bien maîtrisées ou compensées en face des difficultés de la vie.

Mais que dire d'une personne qui se serait régulièrement construite au contact d'une réalité acceptée sans regrets et sans illusions, qui affronterait le monde avec lucidité et sans compromissions? Perplexes devant un tableau aussi équilibré et apparemment idéal, nous pourrions avancer qu'il s'agit de maturité. Or, les personnes matures, lorsqu'il s'en rencontre, ne font guère parler d'elles car elles n'ont rien à mettre sans dessus-dessous, rien à prouver, rien à conquérir, rien à revendiquer, aucun compte à régler avec qui que ce soit. Bref, elles n'ont aucune chance de figurer dans les annales de l'histoire, tant il y auraient peu de choses à en dire, sauf leur droiture et leur bonté.

Une personne sans éclat

Jésus n'a possédé aucun de ces traits spectaculaires qui suscitent la crainte et l'envie généralement portées aux grands hommes. Il n'avait extérieurement rien de remarquable. Comme un prophète l'avait annoncé: "il n'avait ni apparence ni éclat... son aspect n'avait rien pour nous attirer" (Es 53.2). Un jour, des visiteurs qui voulaient le voir ont dû demander à ses proches de le leur montrer (Lc 12.21). Judas a dû le désigner aux gendarmes venus l'arrêter (Mt 26.48). Si Jésus avait eu une caractéristique particulière, les disciples d'Emmaüs l'aurait sans doute reconnu plus tôt. Pourtant sa voix leur disait quelque chose (Lc 24.32)! Jésus n'avait donc apparemment rien, ni physiquement, ni personnellement qui ait pu faire de lui un héros que l'histoire retienne. Et cela était sans doute bien ainsi, car il fallait voir autrement, autre chose.

Par contre, il étonnait par l'autorité de ses propos (Mt 7.29) et disait des choses que personne n'avait dites: "Personne n'a jamais parlé comme cet homme", nous est-il rapporté (Jn 7.46), si bien que les foules se pressaient pour l'entendre. Il y avait aussi une situation embarrassante: "Cet homme fait beaucoup de miracles", constataient les notables gênés et hostiles (Jn 14.47). A la rigueur, l'histoire peut abriter le récit d'un procès et d'un supplice. Elle n'a que faire de miracles concernant en général des gens sans importance. Et surtout, comment parler d'une résurrection?

Cette autre histoire

Ce qu'il est possible de savoir concernant Jésus ne provient que de cette histoire parallèle constituée par les souvenirs des disciples. Ils les ont rassemblés, sans doute à la fin de leur vie, lorsqu'ils ont ressenti la nécessité de laisser une trace de ce qu'ils avaient vu, entendu et enseigné, les Evangiles. Cela leur a probablement été assez facile, car ils avaient répété tant et tant de fois les paroles et les événements qui avaient changé leur vie. Mais, de façon assez surprenante, aucun n'a cru bon d'esquisser un portrait physique ou mental de celui qu'ils avaient pourtant bien connu et auquel ils s'étaient si passionnément attachés. Peut-être leur suffisait-il simplement de penser, à la manière de l'Esprit prophétique qui inspirait David: "il est plus beau que les fils des hommes!..."(Ps 45.3).

Comment se faire une opinion ?

Ce dont les disciples se sont davantage rappelés, c'est de l'interpellation de Jésus: "Vous, qui dites-vous que je suis ?" Pierre a répondu, peut-être sans trop réfléchir: "Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant!" (Mt 16.13-16). C'est alors que Jésus lui explique la source de ce savoir particulier: "C'est mon Père qui est dans les cieux, qui te l'a révélé" (Mt 16.17). Etrange situation qui fait peu de cas de l'intelligence, du raisonnement, ou des émotions (... la chair et le sang, dit le texte). Et pourtant, depuis ce dialogue entre Jésus et ses disciples, des milliers de personnes ont dû affronter cette interrogation et admettre la même réponse, afin de suivre Jésus et de se réconcilier avec Dieu. L'apôtre Paul constate que "nul ne peut dire que Jésus est le Seigneur! Si ce n'est par l'Esprit Saint" (1 Co 12.3). Il ajoute ailleurs que "si nous avons connu Christ selon la chair, maintenant, nous ne le connaissons plus de cette manière" (2 Co 5.16).

Les meilleurs documents historiques, s'il en existait, seraient donc sans utilité pour dessiner avec plus de précision la personnalité de Jésus, car l'attention se porte sur sa qualité et sur ses actes. Sa mission a été de faire connaître Dieu comme Père (Jn 1.18), de réconcilier le monde avec lui (2 Co 5.19) et de fonder un Royaume qui n'a pas de place dans l'histoire, sinon qu'il la termine.

Si un croyant sentait encore insatisfait son besoin d'en savoir davantage, après avoir épuisé tous les renseignements que les Evangiles mettent à sa portée, il aurait encore un recours. En effet, Jésus a un jour promis aux disciples, en parlant de l'Esprit qu'il leur en voyait: "Il prendra de ce qui est à moi et vous l'annoncera..." (Jn 16.14). Il est cependant très peu probable que ce qu'il découvre alors ne soit pas déjà dans les Ecritures.

L'Evangile selon Jean signale en outre que ce qui a été conservé n'est qu'une toute petite partie de ce qui aurait pu être rapporté concernant Jésus (Jn 21.25). Mais ce qui paraissait beaucoup plus important à l'apôtre, comme d'ailleurs à tous ceux qui ont partagé sa foi, c'est la perspective certaine de voir un jour "Jésus tel qu'il est" (1 Pi 3.2).


*Flavius Josèphe, Histoire Ancienne des Juifs, Editions Lidis, p.561

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