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Faut-il avoir peur de la psychanalyse ?
3. Limites pratiques de la psychanalyse classique et solutions de rechange

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Type : Dossier
Thème : Santé & Psychologie
Source : Aimer & Servir
Réf./Date source : 115  
Publié sur Lueur le
Sommaire du dossier :
  1. Faut-il avoir peur de la psychanalyse ?
  2. Limites pratiques de la psychanalyse classique et solutions de rechange

En sa pratique, la démarche psychanalytique rencontre des limites prévisibles, car elle exige, pour opérer, de bonnes capacités verbales et une certaine tolérance de l'angoisse perçue comme telle, aussi bien chez les deux protagonistes, patient et thérapeute. Si la mobilisation affective est, ou trop faible, ou trop intense, ce qui se traduit soit par une absence consciente d'angoisse, soit par une angoisse insupportable, il faut avoir recours à d'autres techniques dérivées de la perspective psychanalytique. Il en va de même lorsque le patient ne dispose pas de capacités verbales suffisantes ; cela arrive souvent lorsque se sont trouvés autrefois privilégiés d'autres moyens d'expression tels que la motricité ou diverses fonctions organiques.

C'est donc d'une part en raison des limitations de la technique fondamentale mais d'autre part dans l'espoir de résultats plus rapides, qu'ont proliférées les nombreuses variantes thérapeutiques offertes sur le marché : psychodrame, relaxation, sophrologie, cri primal, thérapie émotionnelle etc. Que peut-on en penser ?

Chacune de ces techniques est issue de l'intuition de quelque thérapeute doué, le plus souvent initié à la psychanalyse, tels Reich, Berne, Casriel, Pers ou M. Erikson, qui ont ensuite codifié et généralisé leur pratique. Chacune a son application propre et donne des résultats intéressants. Mais les psychothérapeutes-praticiens n'étant pas tous des découvreurs de génie, ils doivent bénéficier d'une formation sérieuse et être rappelés à la modestie.

Langage du corps et langage verbal

Un des obstacles notoire à la psychanalyse et une de ses limites est ce qu'on appelle l'inhibition émotionnelle massive. Le patient ne peut dire son malaise intérieur avant d'avoir reconstruit une relation de chaleur et de sécurité. L'expérience contrôlée des émotions ressenties au sein d'un groupe, avec un thérapeute actif peut permettre de passer du chaos intérieur aux souvenirs et à la parole où s'organise enfin une histoire consciente et maîtrisée. Le ressenti du corps et le contrôle des émotions sont un préliminaire indispensable à l'expression verbale, matériau de la cure psychanalytique conventionnelle. Dans la polémique un peu superficielle où il excellait, le Dr Debray-Ritzen, pédopsychiatre de formation, avait parfois recours à des images fantaisistes mais pertinentes. Il rapporte dans un de ses ouvrages les propos d'un certain Mac Lean (référence non précisée) : "Tenter de psychanalyser une de ces personnes inhibées émotionnellement," dit-il, "reviendrait à lui faire partager le divan avec un cheval et un crocodile. Le crocodile est tout prêt à verser des larmes, le cheval veut bien hennir, mais lorsqu'on les encourage à exprimer verbalement leurs ennuis, il se fait qu'aucun enseignement du langage ne peut les aider. Comment s'étonner que le malade qui est personnellement responsable de ces animaux et qui doit leur servir de porte-parole se voit accusé de résistance et de mutisme obstiné ?"

A moins d'une grave erreur d'appréciation, aucun psychanalyste lucide ne proposerait aujourd'hui le divan à ce genre de patient. On emploierait selon le cas l'une des techniques évoquées ci-avant (psycho-drame, groupe, thérapie émotionnelle etc) qui permettrait de passer des perturbations indistinctes du corps à la prise de conscience puis à la verbalisation. Il faut donc apprendre à parler autrement qu'avec son corps, ses organes ou ses fonctions avant de pouvoir entrer dans un travail plus proprement psychanalytique.

La guérison intérieure

Il semble que la guérison intérieure utilise des représentations mentales en suscitant l'évocation délibérée de scènes traumatiques. Cette mise en forme imaginaire devra ensuite être transformée par la puissance de l'Esprit, elle-même mise en scène à travers d'autres représentations, de Jésus dans la plupart des cas.

Il est difficile d'apprécier les effets de ce qui a été nommé "la guérison intérieure" et son mode d'action. Il y a sans doute au moins deux raisons à cela. La première est qu'elle fait appel au travail de l'Esprit qui est un champ totalement étranger aux concepts de la psychologie et à son investigation. La seconde raison qui lui est apparenté est l'articulation de l'imaginaire, catégorie psychologique à l'action de l'Esprit qui ne peut être qu'à elle-même sa référence.

Nous avons précédemment distingué les deux niveaux de connaissance psychologique et spirituel. Nous concevons la connaissance spirituelle selon la définition de l'apôtre Paul dans l'épître aux Corinthiens (1 Cor 2,11) : "qui donc parmi les hommes sait ce qui concerne l'homme, sinon l'esprit qui est en lui. De même personne ne connaît ce qui concerne Dieu, si ce n'est l'Esprit de Dieu". De principe aucune investigation humaine courante n'est donc possible dans le domaine spirituel qui a ses propres lois, même s'il peut éventuellement s'évaluer à ses "fruits". Par ailleurs il "est folie pour l'homme naturel" (2,14), comme le remarque encore fort justement Paul. On ne saurait mieux définir les domaines et tracer des limites. Effectivement, pour l'homme non-croyant les réalités spirituelles sont de la folie. Nous voilà prévenus. Plus prudent, Freud n'a parlé que d'une illusion, privée ou collective.

Cette distinction devrait inciter les croyants amenés à faire un travail avec un psychothérapeute ordinaire, à ne parler que de leur souffrance, de leurs émotions et de leurs fantasmes sans entrer dans des controverses religieuses dont leur auditeur n'a que faire, si ce n'est les transposer dans sa grille de lecture pour s'en débarrasser au mieux et au plus vite.

A l'inverse, le thérapeute de la guérison intérieure essaiera d'introduire le spirituel dans le psychologique, comme un prolongement normal.

Le patient et ses émotions sont "pris en charge" dans une sorte de scénario imaginaire inspiré de l'histoire Sainte. Mais que signifie faire correspondre le domaine spirituel avec le domaine psychologique à l'aide de l'imagination, stimulée ou dirigée ? Ce spirituel serait alors de l'ordre de l'imaginaire, c'est à dire du désir, et par là même vulnérable à la critique freudienne de "l'illusion". Il y a là matière à réflexion !

Si le non respect de la différenciation du psychologique et du spirituel peut conduire au cours d'une psychothérapie malheureuse à la stérilisation d'une dimension spirituelle méconnue, à l'opposé on peut concevoir qu'une "spiritualisation" des problèmes psychologiques entraîne une méconnaissance de la réalité humaine. En effet, s'il est envisageable de conduire à son gré l'intervention de l'Esprit, ne laisse-t-on pas entrevoir une possibilité de toute-puissance ? On sait que la nature humaine en est friande. De plus toute notion de croissance, de patience et d'effort corrélatif se trouve relativisée en même temps que la responsabilité inhérente au "je" adulte.

Mais nous ne possédons guère de renseignements quant à l'impact de la "guérison intérieure" sur la croissance psychologique et sur la croissance spirituelle ultérieures.

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