Matthieu 9:14-17
(Annotée Neuchâtel)
14
Alors les disciples de Jean viennent à lui, disant : Pourquoi nous et les pharisiens jeûnons-nous souvent, tandis que tes disciples ne jeûnent point ?
15
Et Jésus leur dit : Les amis de l'époux peuvent-ils être dans le deuil pendant que l'époux est avec eux ? mais des jours viendront où l'époux leur sera ôté, et alors ils jeûneront.
16
Personne ne met une pièce de drap neuf à un vieil habit ; car la pièce emporte une partie de l'habit, et la déchirure en devient pire.
17
On ne met pas non plus du vin nouveau dans de vieilles outres ; autrement les outres, se rompent, et le vin se répand, et les outres sont perdues ; mais on met le vin nouveau dans des outres neuves, et tous les deux se conservent ensemble.
Références croisées
9:14 Mt 11:2, Jn 3:25, Jn 4:1, Mt 6:16, Mt 11:18-19, Pr 20:6, Mc 2:18-22, Lc 5:33-39, Lc 18:9-12Réciproques : Ps 35:13, Ec 7:16, Lc 18:12, Ac 13:2, Rm 14:3
9:15 Mt 25:1-10, Jg 14:11-20, Ps 45:14-15, Jn 3:29, Ap 19:9, Ap 21:2, Lc 24:13-21, Jn 16:6, Jn 16:20-22, Ac 1:9-10, Es 22:12, Ac 13:1-3, Ac 14:23, 1Co 7:5, 2Co 11:27
Réciproques : Jb 29:5, Ps 35:13, Ec 3:4, Dn 10:2, Jl 2:16, Za 7:3, Mt 6:16, Mt 11:17, Mt 22:1, Mc 16:10, Lc 17:22, Jn 16:4, Ac 13:2, 2Co 6:5
9:16 Gn 33:14, Ps 125:3, Es 40:11, Jn 16:12, 1Co 3:1-2, 1Co 13:13
Réciproques : Lv 19:19, Dt 22:9, 2R 5:19, Mc 2:21, Lc 5:36, 1Co 1:10, 2Co 5:17
9:17 Js 9:4, Jb 32:19, Ps 119:83
Réciproques : Lv 19:19, 2R 5:19, Mc 2:22, Lc 5:36, 2Co 5:17
Notes de la Bible Annotée Neuchâtel
A savoir : les notes ne font PAS partie du texte biblique. Plus d'informationsMatthieu 9
- 9.14 Alors les disciples de Jean viennent à lui, disant : Pourquoi nous et les pharisiens jeûnons-nous souvent, tandis que tes disciples ne jeûnent point ? Dans le récit de Luc, (
Luc 5.33
et suivants) l'entretien avec les pharisiens continue ici et ce sont eux, semble-t-il, qui adressent à Jésus cette question. Selon Marc, (Marc 2.18
et suivants, notes) ce seraient les pharisiens et les disciples de Jean réunis.
Quoi qu'il en soit, ces derniers y eurent part, et Matthieu les nomme seuls, parce que c'est à eux, sans doute, que la réponse de Jésus importait le plus. Les disciples de Jean n'avaient pas tous suivi les conseils de leur maître, qui les exhortait à s'attacher à Jésus. Ceux qui ne l'avaient pas fait s'astreignaient aux prescriptions rigoureuses de la piété des pharisiens, qu'ils pratiquaient sans doute avec plus de sincérité que ces derniers. Ils menaient, à l'exemple de leur maître, une vie de repentance et d'austérité dans laquelle le jeûne tenait une grande place. Leur question montre qu'ils étaient scandalisés de la liberté que Jésus laissait à ses disciples à cet égard. - 9.15 Et Jésus leur dit : Les amis de l'époux peuvent-ils être dans le deuil pendant que l'époux est avec eux ? mais des jours viendront où l'époux leur sera ôté, et alors ils jeûneront. Les amis de l'époux, ou amis de noce (grec les fils de la chambre nuptiale, hébraïsme), étaient les jeunes gens qui accompagnaient l'époux quand il venait prendre sa fiancée pour l'emmener, entourée de ses amies, dans sa maison. (
Matthieu 25.1
et suivants) Ils figurent les disciples de Jésus, qui se présente lui-même comme l'époux de l'Eglise.
Les disciples de Jean durent comprendre cette belle image que leur maître avait employée.Jean 3.29
. Ces amis ne devaient ni ne pouvaient (vers. 15) être dans le deuil, s'attrister par le jeûne, tandis que Jésus était avec eux.
En se désignant comme l'époux Jésus affirme que, dans sa personne, c'est Dieu lui-même qui visite son peuple, car, dans le langage de l'Ancien Testament, cette comparaison est exclusivement réservée aux rapports de Jéhovah et d'Israël. Après avoir rappelé sa suprême dignité, Jésus, comme toujours, reporte sa pensée sur son abaissement suprême. (Matthieu 16.21
)
Quand l'époux leur sera ôté (grec enlevé brusquement), alors ils jeûneront, au sein de leurs souffrances, de leurs tristesses, non parce que la loi l'ordonne, mais avec une sainte liberté, afin de se livrer tout entiers à la prière et à leurs rudes travaux. (ComparerMatthieu 17.21 ; Actes 13.2,3,14.23
)
- C'est ici, dans notre évangile, la première fois que Jésus annonce sa mort, dont il eut, dès le commencement de son ministère, la plus claire prévision. (Jean 2.19 ; 3.14
; comparezJean 1.29
) Quel jour ce fait jette sur toute sa vie ! - 9.16 Personne ne met une pièce de drap neuf à un vieil habit ; car la pièce emporte une partie de l'habit, et la déchirure en devient pire. Cette image explique et prouve la déclaration qui précède. Nul ne s'avise d'appliquer une pièce de drap neuf (grec d'étoffe écrue, non foulée) à un vieil habit déchiré, afin de le raccommoder ; car (Grec :) ce remplissage emporte (une partie) de l'habit, et il se produit une déchirure pire, plus grande qu'auparavant. D'autres traduisent : "(la pièce) emporte sa plénitude (l'espace qu'elle remplit) de l'habit."
Sens de cette image : La vie nouvelle dont Jésus est la source ne se concilie pas avec les institutions vieillies de la loi mosaïque, jeûnes, cérémonies, etc., pour cette vie nouvelle, il faut de nouvelles formes qu'elle saura bien se créer. La servitude légale et la liberté évangélique ne sauraient subsister ensemble. Le prétendre n'est pas seulement une vaine tentative, mais c'est chose nuisible : la déchirure est pire, le vin et les outres se perdent. (verset 17
)
On a la preuve historique de cette vérité dans les systèmes judéo-chrétiens des premiers siècles, qui tentaient précisément d'ajouter des lambeaux du christianisme aux traditions légales du mosaïsme. La vérité et la vie nouvelle y périrent également.
Jésus n'est pas venu pour raccommoder ce qui était vieilli et usé, (Hébreux 8.13
) mais pour créer à nouveau un monde religieux et moral. (ComparerRomains 7.6
. voir la note suivante.) Luc présente cette parabole sous une forme un peu différente. (Luc 5.36
note.)
L'interprétation qu'on vient de lire est peut-être la plus simple et la plus naturelle. Les exégètes modernes ont trouvé qu'elle ne serrait pas d'assez près les termes de la comparaison et ont objecté, "que si l'on rattache très étroitement cette parabole au sujet précédent, celui du jeûne, Jésus aurait dû dire : On n'ajoute pas un morceau de vieux drap (le jeûne légal) à un habit neuf (la nouvelle manière de vivre de mes disciples) tandis qu'il dit précisément le contraire On ne prend pas du neuf pour compléter le vieux." F. Godet.
On a donc proposé plusieurs autres explications. Nous n'en mentionnerons que deux : M.M. Beyschlag et B. Weiss pensent que Jésus, répondant aux disciples de Jean (verset 14
) veut montrer qu'ils ont raison, à leur point de vue ; que tant qu'ils restent sur le terrain du judaïsme ils font bien de conserver fidèlement les prescriptions légales, que la moindre introduction d'un principe de liberté dans leur vie religieuse (comme l'exemption du jeûne que Jésus octroie à ses disciples) ferait voler en éclats tout leur système d'observances rituelles. M. Godet (dans la troisième édition de son Commentaire sur saint Luc), pense que Jésus a en vue, non les disciples de Jean-Baptiste, dont il lui importait peu de justifier les pratiques, mais ses propres disciples.
La question (verset 14
) à laquelle Jésus répond, peut en effet, se traduire : "Pourquoi tes disciples ne jeûnent-ils pas, tandis que nous et les pharisiens nous jeûnons." Ils ne jeûnent pas, répond Jésus (verset 15
) parce que l'époux est avec eux, mais quand l'époux leur sera ôté, alors ils jeûneront. Et c'est ce jeûne nouveau auquel ils se livreront alors que Jésus veut caractériser dans la comparaison du verset 16. On ne peut, dit-il, détacher celui-ci de toute cette vie et de cette sainteté nouvelles auxquelles il appartiendra, pour l'appliquer à des hommes qui sont encore dans l'état légal. Il faut suspendre la solution de la question du jeûne et de toutes les pratiques religieuses jusqu'à ce qu'un état de choses nouveau puisse être substitué tout d'une pièce à l'état présent.
- L'une et l'autre explication sont quelque peu subtiles. Les auditeurs de Jésus auraient dû être doués d'une rare pénétration pour découvrir cette signification spécieuse de l'image qu'il employait. Aussi est-il plus prudent, peut-être, de s'en tenir au sens général indiqué d'abord. Bien des paraboles du Sauveur nous montrent qu'il convient de n'en pas presser les termes ni appliquer les détails. (Parabole de l'économe infidèle, du trésor dans un champ, Lazare à la porte du riche, etc.) - 9.17 On ne met pas non plus du vin nouveau dans de vieilles outres ; autrement les outres, se rompent, et le vin se répand, et les outres sont perdues ; mais on met le vin nouveau dans des outres neuves, et tous les deux se conservent ensemble. Aujourd'hui encore, en Orient, on conserve et transporte les liquides, l'eau, l'huile, le vin, dans des outres faites en peau de chèvre. Si ces outres sont vieilles, usées, le vin nouveau qu'on y mettrait les romprait par la force de la fermentation et contenant et contenu seraient perdus.
Quel est le sens de cette seconde parabole ? Quant au vin nouveau, il ne saurait y avoir doute. Il représente, comme dans la précédente image, l'esprit nouveau, la vie nouvelle que Jésus apportait au monde. Mais les outres, les vieilles, les nouvelles ? Trois interprétations diverses se présentent ici, soutenues par des exégètes également éminents.
1° Les uns voient dans cette parabole, comme dans la précédente, un contraste entre les institutions légales de l'Ancien Testament défendues par les pharisiens, et la vérité nouvelle apportée par Jésus-Christ. Pour contenir cette vie évangélique, il faut aussi des institutions nouvelles qui puissent la supporter et la conserver. (Meyer et d'autres.)
Mais est-il probable que Jésus ait voulu exprimer exactement la même idée par ces deux comparaisons ? Toutes les fois qu'il rend sa pensée, comme ici, par deux courtes paraboles (le grain de sénevé et le levain, le trésor et la pierre précieuse,Matthieu 13
), il met entre l'une et l'autre une nuance importante qu'il faut saisir. M. Beyschlag, avec le sens spécial qu'il donne à la première parabole (voir note précédente) échappe à cette objection. D'après lui, Jésus qui a répondu dans la parabole du verset 16 à cette question : "Pourquoi les disciples de Jean et des pharisiens jeûnent-ils ?" répond maintenant à celle-ci : "Pourquoi tes disciples ne jeûnent-ils pas ?" "Parce qu'ils ne peuvent enfermer l'esprit nouveau du royaume des cieux dans les formes usées du judaïsme."
Cette relation établie entre les deux paraboles est ingénieuse ; mais elle suppose admise l'interprétation donnée par M. Beyschlag de la première parabole, et, en voyant dans les vieilles outres l'ancienne économie, elle ne tient pas compte de ce trait distinctif de la seconde parabole, qui substitue à l'unité du vieux vêtement la pluralité des outres.
2° Se fondant sur ce détail, d'autres exégètes ont vu dans notre seconde image, non plus les institutions de l'ancienne et de la nouvelle Alliance avec leur esprit différent, mais les représentants respectifs de l'une et de l'autre. Jésus prend pour ses disciples, non les pharisiens, les prêtres, les scribes, incapables de recevoir la vie nouvelle, qui, comme un vin généreux, aurait fait éclater toutes leurs conceptions religieuses et n'aurait pu se développer en eux. Il choisit des hommes nouveaux, Matthieu le péager et les autres disciples. Telles seraient les outres neuves qu'il oppose aux vieilles outres.
Cette interprétation, exposée avec talent par M. Godet dans son Commentaire sur saint LucLuc 5.37,38
, est très admissible, car les paroles de Jésus projettent leur lumière sur les sujets qu'il traite et tout à l'entour. Mais on peut reprocher à cette explication de la parabole de n'être pas directement donne par l'ensemble du discours.
3° On a donc cherché et trouvé, croyons-nous, le vrai point de comparaison entre les disciples mêmes de Jésus, "encore infirmes et tendres," comme dit Calvin, "et la discipline plus étroite et sévère qu'ils n'eussent pu encore porter."
"Ils ne peuvent s'attrister et jeûner, avait dit le Maître, tant que l'époux est avec eux." C'est un temps de préparation et d'attente pendant lequel, étant encore dans leur vieille nature d'hommes pécheurs, ils ne sauraient ni pratiquer la loi avec ses exigences infinies ni contenir la vie de l'esprit dans sa plénitude. Ils en seraient brisés, comme Paul nous apprend que la seule découverte de la spiritualité de la loi le tua. (Romains 7.9,10
)
"Mais les jours viendront" où, renouvelés en tout leur être par l'Esprit de Dieu, ils recevront la plénitude de la vie nouvelle et verront accomplie dans leur vie toute "la justice de la loi." (Romains 8.2-4
) Cette application de la seconde parabole à l'homme intérieur, soutenue par Calvin, Néander (qui explique aussi la première de la même manière) et d'autres, était une leçon sérieuse pour les disciples de Jean, une réponse directe à leur question au sujet de ces jeûnes légaux qui n'étaient que le rapiéçage d'un vieil habit, et qui les rendaient incapables de recevoir la vie nouvelle. Et cet enseignement profond est d'une application universelle à l'éducation religieuse et à l'expérience chrétienne. Il montre enfin combien le Seigneur avait dès lors la conscience claire de l'œuvre absolument nouvelle qu'il venait accomplir : il sait qu'il est, non un réformateur seulement, mais le créateur d'un monde nouveau.