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L'euthanasie
4. Fin de vie, arrêt de vie, euthanasie...

Auteur :
Type : Dossier
Thème : Questions de Société
Source : Construire Ensemble   
Publié sur Lueur le
Sommaire du dossier :
  1. L'euthanasie
  2. L'euthanasie, un vrai débat
  3. Fin de vie, arrêt de vie, euthanasie...

Avis de la commission d'éthique Libro-baptiste
à propos du rapport du Comité Consultatif National d'Ethique
proposant d'introduire dans la loi française une " exception d'euthanasie "

Les principes bibliques qui fondent notre éthique

La vie est don de Dieu, les textes bibliques qui fondent notre foi sont très affirmatifs à ce sujet :

Dt 32 :39 " C'est moi, moi seul qui suis Dieu et… il n'y a point d'autres dieux près de moi; Moi je fais vivre et je fais mourir " . La vie, c'est Dieu qui la donne, c'est lui qui la reprend. La prétention à maîtriser totalement sa vie ou sa mort, ou celles d'autrui, est prétention à devenir comme des dieux.

Jésus tient ensemble la loi et l'amour : " tu ne commettras pas de meurtre , " honore ton père et ta mère ", qu'il résume en " tu aimeras ton prochain comme toi-même ". Dans un monde d'efficacité et de rentabilité qui considère facilement les personnes âgées comme une charge, il faut rappeler la pertinence du commandement de respect des parents avec la bénédiction surajoutée : afin que tes jours se prolongent sur la terre (Dt 5 :16). Bénédiction, mais aussi modèle de transmission du respect de la personne âgée qui a un effet social positif . Quel qu'il soit, celui qui souffre est notre prochain, nous avons la responsabilité de le secourir. Et s'il est utopique de croire qu'on peut remédier à toute souffrance, les soins palliatifs apportent cependant, dans l'immense majorité des cas, l'apaisement de la douleur ; nous pensons que cette approche peut et doit être encore développée en France.

Une réalité complexe

Tous se disent d'accord pour favoriser les soins palliatifs et tous condamnent l'acharnement thérapeutique comme refus de l'inéluctable mort. Mais dans la pratique -nous pensons en particulier aux services de réanimation- les soignants savent combien il est parfois difficile de tracer une frontière entre le refus de l'acharnement thérapeutique et la non-assistance à personne en danger. Cette difficulté ne doit cependant pas conduire à l'abandon de tout principe.

La proposition du CCNE

La proposition du CCNE est très circonscrite. Il ne s'agit pas de légaliser l'euthanasie mais de réformer la procédure pénale en introduisant dans la loi la notion d' " exception d'euthanasie " distinguant, dans certains cas, l'euthanasie de l'homicide et permettant au juge de poursuivre ou de classer l'affaire. L'euthanasie resterait donc une transgression passible de poursuites pénales. Le rapport propose aussi la création d'une commission interdisciplinaire que le juge pourrait saisir pour apprécier la validité de cette " exception "." Le juge resterait bien entendu maître de la décision ". Cette approche, quoique modérée, n'est pas sans soulever un certain nombre d'interrogations.

Remarques générales

Nous avons regretté que ce rapport, qui fait une bonne analyse des positions en présence, néglige l'approche globale et surtout sociale du problème. Il pose comme principe préalable la liberté de consentement de l'individu, pour admettre cette exception d'euthanasie, mais sans prendre en compte la pression sociale qui pèse sur ce consentement .

Comment ignorer, par exemple, le problème économique des dépenses de santé ?

En 1998 le même CCNE, constatant le vieillissement annoncé de la population française (en 2010 il y aura plus de personnes de plus de 60 ans que de personnes de moins de 20 ans) réclamait un " plan gérontologie ". Entre le coût de l'accroissement de la population dépendante, celui des soins palliatifs, et la solution plus " économique " de l'euthanasie, la pression économique ne va-t-elle pas empêcher tout choix éthique ?

Par ailleurs, le rapport contourne lui-même cette liberté de consentement en proposant de la transférer à un tiers qui serait chargé d'être l'interlocuteur des médecins et pourrait consentir à l'euthanasie, en lieu et place du malade qui en aurait manifesté le souhait antérieurement. Faut-il rappeler l'ambiguïté de la demande d'euthanasie ? Et quand il s'agira d'une tante à héritage ?

Le rapport propose comme principe que la décision d'euthanasier soit prise collégialement par l'équipe soignante mais il ne dit mot de la pression de conformité qui peut s'y exercer.

Enfin nous remettons en cause l'argument qui consiste à dire : il faut mettre un terme à l'hypocrisie de la situation actuelle. Il y a dans l'air du temps une idéologie de la transparence insuffisamment critiquée : l'expérience montre que la seule mise en lumière de ce qui est caché par une " régularisation " ne suffit pas à enrayer les pratiques douteuses.

Devant la souffrance, devant certaines détresses morales et spirituelles, n'y a-t-il pas d'autres réponses que l'euthanasie ?

Soins palliatifs et accompagnement spirituel

Les soins palliatifs permettent une prise en charge de la douleur qui, dans l'immense majorité des cas, fait cesser la demande d'euthanasie. Le CCNE reconnaît d'ailleurs la validité des soins palliatifs, encourage leur développement et demande aux responsables politiques de leur "garantir le soutien financier indispensable ". Comme le remarque le rapport, ces soins palliatifs développent une approche globale qui prend en compte non seulement la douleur mais aussi la " souffrance psychologique et spirituelle ". L'hôpital St Christopher à Londres, cité en modèle des soins palliatifs, a complètement intégré cette dimension spirituelle. A ce propos nous dénonçons un fait sur lequel le rapport est silencieux : la grande misère de l'aumônerie des hôpitaux publics en France. Théoriquement prévus, les postes ne sont pas toujours créés ou sont insuffisamment budgétés. Ce n'est pas simplement une question financière mais aussi une question de culture. A cet égard le simple fait que cette dimension soit mentionnée dans le rapport du CCNE est un progrès. Apaiser la douleur, prendre le temps d'écouter ceux qui souffrent, les accompagner dans leurs souffrances et leurs questions, peut repousser les limites du désespoir en donnant sens aux derniers moments de la vie. Les soignants eux-mêmes n'auraient-ils pas besoin d'une telle écoute ?

Quel est le rôle de la loi ?

La proposition d'introduire dans la loi française une " exception d'euthanasie " soulève, en fin de compte, une interrogation fondamentale sur l'usage de la loi. La loi nous semble avoir une fonction instituante qui consiste à édicter ce qui est permis et interdit pour le plus grand nombre, et non à satisfaire aux demandes individuelles. Il est en effet dangereux de légiférer en fonction des cas limites ou de multiplier les exceptions dans la loi. Comment va-t-on codifier l'exception ? Comment va-t-on définir les " cas limites " ? Va-t-on vers un accroissement du pouvoir du juge ou du pouvoir des experts ?

Plusieurs questions nous préoccupent : le juge a-t-il besoin de cet ajout procédural ? Et si ce n'est pas le juge, qui en a besoin ? Le médecin pour se couvrir ? Ceux qui militent pour l'euthanasie active pour trouver dans la loi un début de légitimité morale ?

Nous nous demandons pourquoi le rapport ne dit rien de l'exemple hollandais. Depuis 1994, l'euthanasie sur demande est dépénalisée aux Pays-Bas, dans certaines conditions. Or une enquête menée en 1995 a montré que sur 4000 euthanasies, de 900 à 1000 l'auraient été sans l'accord du patient. Cette évolution ne devrait-elle pas rendre extrêmement prudent sur tout aménagement légal comme " l'exception d'euthanasie " ? Est-on vraiment sûr de faire mieux ainsi qu'avec le statu quo existant ? Rappelons par exemple que le droit français permet déjà au malade, s'il est lucide et responsable de lui-même, de refuser des soins. On peut aussi sérieusement mettre en cause cette complexification supplémentaire de la procédure judiciaire que constitue la création d'une commission interdisciplinaire d'experts comme le propose le rapport.

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