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La guérison : pourquoi ? comment ?
2. La guérison et l'imaginaire

Auteur :
Type : Dossier
Thème : La guérison
Source : Aimer & Servir
Réf./Date source : 109  
Publié sur Lueur le
Sommaire du dossier :
  1. La guérison et l'imaginaire
  2. Un pouvoir fascinant ?

Il peut sembler étrange qu'en notre époque éprise de science et de rationnel l'emblème des médecins soit resté le serpent d'Esculape. De quelle continuité serait-ce le signe ?

Esculape, estimait-on, devait son talent à la fois à son origine et à son éducation. Il était fils d'Apollon et d'une princesse de Béotie, ou d'une nymphe selon les récits. Or Apollon avait paraît-il dans son adolescence tué le serpent Python pour venger sa mère. La peau servit ensuite à recouvrir le trépied de la Pythonisse à Delphes. Il est facile d'imaginer ce que peut ici représenter le serpent agresseur dont la dépouille ouvre la voie de la connaissance ! Apollon était en outre protecteur de la médecine. Esculape avait donc déjà de qui tenir avant d'être confié au centaure Chiron qui lui enseigna la connaissance des astres, l'usage des plantes et l'art de soigner les blessures. Le talent d'Esculape était tel qu'il avait ressuscité Hippolyte, broyé dans un horrible accident de voiture.

La médecine pouvait donc faire des miracles, mais non sans risque. Zeus, jaloux de ce pouvoir réservé aux dieux, détruisit d'un coup de foudre le trop talentueux médecin !

Nous avons dans ce récit les principaux fantasmes qui accompagnent l'art de soigner et de guérir. Un pouvoir supérieur à celui du père mais inférieur à celui des dieux sans cesse exposé au risque et à la culpabilité "d'aller trop loin", car il interfère avec la vie et la mort. Le savoir à acquérir est lié aux mystères interdits de la nature dont le serpent, symbole de la prudence et de la vigilance est le gardien... et l'initiateur. Il faut soit le vaincre soit l'apprivoiser, tout en se gardant d'offenser la redoutable image (ou les redoutables images) du père-mentor-patron.

Après sa mort, Esculape fut honoré comme un dieu en de nombreux sanctuaires où les malades venaient consulter. Epidaure était le plus célèbre. C'est de là que, à l'occasion d'une épidémie de peste, parvint à Rome le culte d'Esculape accompagné d'une couleuvre censée le représenter. Esculape serait en effet réapparu sous la forme d'un serpent. Aussi était-ce avec les plus grands égards que l'on gardait des couleuvres dans l'enceinte du sanctuaire.

A Epidaure, le temple d'Esculape, peu éloigné de celui d'Apollon, était entouré d'un bois sacré délimité par de grosses bornes. En ce lieu, comme toujours, en tout service médical de renom, on ne laissait mourir sur place aucun des malades venus consulter. Epidaure ressemblait à une sorte d'hôpital avec des portiques et des chambres pour les malades en visite. On y dormait et pendant le sommeil des rêves appropriés révélaient au patient la voie de sa guérison. De nombreux ex-voto et graffiti témoignent encore de la reconnaissance des personnes guéries. Malheureusement les textes étaient rédigés par les individus capables d'écrire, c'est-à-dire les prêtres du lieu, ce qui limite un peu la crédibilité des témoignages !

Il semble cependant qu'avec le temps les mentalités aient évolué et que les guérisons spontanées se soient faites plus rares. Aussi les prêtres en étaient-ils venus à élaborer des traitements comportant des plantes, des régimes, le jeûne et des bains. D'ailleurs, les eaux salutaires étaient déjà nombreuses. Elles devaient leur vertus, pensait-on, aux divinités qui habitaient les lieux profonds d'où jaillissaient les sources. Les bains et les ablutions ne pouvaient donc qu'opérer des prodiges, ce qui ensuite confortaient leur réputation.

Après les dieux

Nos sources thermales modernes sont la continuité de ces eaux merveilleuses. Elles ont perdu leurs dieux mais non leurs vertus. Toutefois certaines eaux doivent encore aujourd'hui leur réputation à des guérisons miraculeuses attribuées à des interventions divines. Dans les deux cas ne peut-on voir, entre autres considérations, un élément commun : la conviction que certaines eaux et que certains lieux possèdent plus que des vertus, mais un pouvoir surnaturel secret ? Les rêves prémonitoires, le bienfait des plantes, des régimes, des cures thermales et de bien d'autres manières de soigner encore en vogue, montrent une certaine continuité dans la pensée des hommes concernant la maladie et la guérison. Si la maladie est souvent devenue un objet de science c'est-à-dire délimité, connu et maîtrisé, le malade, lui reste, en compagnie de son angoisse et de ses incertitudes. Car il se sent comme à la dérive, dépossédé du contrôle de sa vie. Il réagit alors comme l'homme de tous les temps. Il se confie à celui qu'il suppose détenir quelque pouvoir sur la vie et la mort. Aujourd'hui le médecin, autrefois le prêtre ou le devin. En même temps il cherche à retrouver auprès des forces mystérieuses qui l'entourent, celles de la nature en particulier, les forces qu'il a perdues. D'où l'extra ordinaire réceptivité de certains malades aux remèdes dits "naturels" les plus étonnants. En cela le malade d'aujourd'hui est peu différent de ses plus lointains aïeux.

Le fameux effet "placebo", aujourd'hui objet de tant d'investigations, est bien là pour témoigner de l'insaisissable et irréductible puissance du désir et de l'imagination. C'est pourquoi, la relation du malade au thérapeute et au médicament est fort peu rationnelle. Elle implique croyance et confiance, zone bien subtile et résolument réfractaire aux efforts louables de la science, de la raison et des convenances.

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