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Je n'ai personne...

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Type : Enseignement
Thème : Vie Chrétienne
Source : Lueur   
Publié sur Lueur le

Jean 7

"1 Après cela et à l'occasion d'une fête juive, Jésus monta à Jérusalem.
2 Or il existe à Jérusalem, près de la porte des Brebis, une piscine qui s'appelle en hébreu Béthseda.
3 Elle possède cinq portiques, sous lesquels gisaient une foule de malades, aveugles, boiteux, impotents. [ qui attendaient l'agitation de l'eau
4 car à certains moments l'ange du Seigneur descendait dans la piscine ; l'eau s'agitait et le premier qui y entrait après que l'eau avait bouillonné était guéri quelle que fût sa maladie.]
5 Il y avait là un homme infirme depuis trente-huit ans.
6 Jésus le vit couché et, apprenant qu'il était dans cet état depuis longtemps déjà, lui dit : " Veux-tu guérir ? "
7 L'infirme lui répondit : " Seigneur, je n'ai personne pour me plonger dans la piscine au moment où l'eau commence à s'agiter ; et, le temps d'y aller, un autre descend avant moi. "
8 Jésus lui dit : " Lève-toi, prends ton grabat et marche. "
9 Et aussitôt l'homme fut guéri ; il prit son grabat, il marchait. Or ce jour-là était un jour de sabbat."
(version TOB).

Nous retiendrons de la lecture de Jean le passage suivant: "L'infirme lui répondit : " Seigneur, je n'ai personne "".
Vous avez certainement entendu parler de l'ancienne léproserie de la Valbonne qui a été fondée il y a soixante-dix ans par un missionnaire qui s'appelait Philadelphe Delord. Il avait été d'abord missionnaire en Océanie et il raconte qu'un jour, en passant dans un village, il a aperçu, un peu à l'écart du village, une espèce de cabane, et par curiosité il est allé voir ce qu'il pouvait y avoir dans cette cabane; il a découvert une jeune fille qui avait quinze ans environ, dont les mains et les pieds étaient déjà terriblement déformés par cette maladie que l'on appelle la lèpre; même son visage était atteint, et elle était, paraît-il, horrible à voir.
Et Philadelphe Delord lui a posé cette question toute simple: "Mais qui s'occupe de toi?". La jeune fille a répondu:"Personne; je n'ai personne".

Voilà des paroles qui trouvent certainement un écho en chacun de nous, car en présence d'une difficulté, d'une déception, d'un échec, d'une épreuve, nous aussi nous nous prenons parfois à dire et à penser:"Je n'ai personne, personne pour m'aider, personne pour me comprendre, ou même, peut-être, personne pour m'aimer. Bien-sûr, ce n'est pas que nous évitions la compagnie, que nous soyons de ces neurasthéniques qui fuient la société, qui se renferment sur eux-mêmes, non bien-sûr, nous aimons les conversations, les réunions, la vie sociale, la famille, et pourtant il nous arrive parfois, alors même que nous sommes réunis avec d'autres personnes, d'éprouver un profond sentiment de solitude. Et chaque fois que nous disons ou que nous pensons "je n'ai personne", nous avouons tout simplement notre impuissance, l'insuffisance de tous nos efforts, et c'est bien la preuve que nous avons besoin d'aide, de secours, que nous avons besoin des autres. Si seulement nous voulions reconnaître que notre sagesse, notre bonne volonté, notre expérience, peuvent, peut-être, nous conduire un bout de chemin,mais pas jusqu'au but; on ne peut pas se débrouiller tout seul; à vouloir le faire, on finit par embrouiller tout. Par conséquent, Nous devrions toujours nous soucier de celui ou celle parmi nous qui ne se plaît plus, ou qui se tait en notre compagnie, car il ou elle est en danger. Une des atteintes du mal est précisément de briser le désir de communion, de communication avec les autres. Il n'est pas bon que l'homme soit seul; je crois que c'est écrit dans la Bible (Ge 2.28); c'est la raison pour laquelle Dieu a fondé la famille; la raison aussi pour laquelle, Jésus a fondé son Église.

En effet pour voir clair en nous, il faut d'autres yeux que les nôtres, pour connaître la valeur de nos raisons, de nos excuses, la vérité de nos attitudes, il nous faut le concours des autres; mais voilà: sommes-nous toujours prêts à rechercher ou à accepter l'aide de quelqu'un, à lui donner un droit de regard sur notre vie?
Nous qui voyons généralement beaucoup plus clair dans la vie des autres que dans la nôtre, voulons-nous vraiment offrir notre aide au prochain au lieu de passer notre temps à le juger, le critiquer, c'est à dire à nous séparer de lui? "Je n'ai personne", voilà donc un homme qui est couché sur un grabat depuis trente-huit ans! Et il aurait suffit tout au long de ces trente huit années, qu'une seule fois, une personne charitable le laisse passer avant elle, pour que cet homme retrouve la santé. Pas un seul jour de ces trente huit années, quelqu'un a eu pitié de lui. Alors, bien-sûr, nous sommes scandalisés et indignés contre ces gens sans coeur à l'égoïsme épouvantable, mais ces gens étaient-ils si différents de nous?
Essayons de voir les choses calmement; tous les gens qui venaient dans cette piscine; pour quoi venaient-il? Ils venaient pour chercher la guérison. Comme il fallait être le premier à descendre dans la piscine pour être guéri, au moment où l'eau commençait à s'agiter, chacun pensait:"pourquoi lui plutôt que moi?" C'est un peu normal. Vous allez peut-être me demander pourquoi seul le premier était-il guéri? J'avoue que cette histoire est un peu embarrassante pour les esprits modernes que nous sommes. Embarrassante aussi pour ceux d'entre nous qui sont le héritiers de la Réforme et qui pensent certainement à une certaine piscine miraculeuse quelque part dans les Pyrénées où ailleurs. Grande méfiance...Mais je crois qu'il faut accepter ce récit tout simplement tel qu'il nous est donné, car à mon avis le plus important n'est peut-être pas tellement cette guérison miraculeuse, mais ce que nous pourrions apprendre au sujet de l'amour du prochain. Aimer son prochain, c'est lui céder son droit, le laisser passer avant nous, alors que nous sommes dans les mêmes circonstances que lui. Aimer son prochain, ce n'est pas donner aux autres quelque chose que nous avons et qu'ils n'ont pas, cela on arrive encore à le faire de temps en temps. Aimer son prochain, c'est beaucoup plus que cela; c'est admettre que d'autres aient avant nous quelque chose dont nous avons légitimement besoin, tout autant qu'eux; et vous le savez, ce n'est pas très facile. Songeons à la peine que nous avons à nous laisser déranger dans nos activités pour venir en aide à quelqu'un. Songeons à l'irritation qui monte dans notre coeur chaque fois que dans un magasin ou un bureau, on va servir avant nous quelqu'un qui est arrivé après. Accepter que les autres passent avant nous. Accepter de laisser passer avant nous quelqu'un qui n'a pas plus de droits que nous, c'est vraiment difficile, et c'est à cause de cela que des détresses peuvent durer des années comme celle de ce pauvre homme qui est resté sur son grabat pendant trente-huit ans.

Je me demande alors s'il n'y a pas des situations intolérables qui empoisonnent notre vie, qui nous empêchent de connaître la paix de Dieu, tout simplement parce que nous ne voulons pas céder notre droit. Que de gens auxquels nous ne pensons qu'avec amertume, auxquels nous essayons même de ne plus penser du tout; combien de fois nous répétons: "Je souffre autant que lui, je souffre autant qu'elle, donc c'est à lui ou c'est à elle de faire le premier pas"; bien sûr, c'est juste, c'est vrai, peut-être, mais c'est avec cette justice là que des détresses, des rancunes, des souffrances peuvent durer cinq ans, dix ans, trente ans et même plus. Et bien souvent, il suffirait de renoncer à son bon droit pour que la paix soit rétablie entre le prochain et nous, et entre Dieu et nous.

Voilà donc un homme qui est étendu près de la piscine de Béthesda. Que veut dire Béthesda? Cela signifie: la maison de la miséricorde. Ainsi dans ce lieu dont le nom même aurait dû rappeler à chacun le devoir de compassion, de pitié, de miséricorde, il s'est tout de même trouvé un pauvre homme qui pendant trente-huit ans, peut répéter: "Je n'ai personne". Quelle tragique et cruelle ironie! Combien de mots, combien d'appellations, combien de devises dont nous recouvrons certains lieux et même nos vies et qui sonnent creux, en contradiction flagrante avec la réalité que nous vivons chaque jour. Béthesda, maison de miséricorde! Voilà pourtant une belle devise pour nos familles. Le Seigneur a fondé la famille pour que nous y manifestions cette miséricorde les uns envers les autres. Nous sommes peut-être fiers de notre famille, nous laissons une impression d'entente à ceux qui viennent chez nous; et pourtant! Pourtant n'y a-t-il pas parfois tel ou tel membre de la famille qui souffre de l'incompréhension des autres, ou bien qui lutte contre des difficultés que les autres ne soupçonnent même pas. Béthesda, maison de miséricorde! voilà bien entendu, une très belle devise pour notre Église; et pourtant, même dans l'Église, peut-être même à l'heure du culte, certains pensent: moi aussi je suis un peu comme ce paralytique, moi non plus, je n'ai personne! Est-ce que celui ou celle qui est assis à côté de nous, trouve-t-il toujours en nous un frère ou une soeur pour l'aider?

Vous avez remarqué que quand Jésus lui pose la question, cet homme répond pour ainsi dire, presque automatiquement: "Je n'ai personne". Voilà un homme qui est déçu, amer, désillusionné; il ne se rend même pas compte qu'il y a là, devant lui, quelqu'un qui est prêt à l'aider; car quand il n'y a plus personne, Jésus est toujours là! Lui seul peut et veut nous guérir. Chaque fois que nous regardons à lui, chaque fois que nous lui faisons confiance, nous ne sommes plus seuls, nous n'avons plus le droit de dire que nous sommes abandonnés. Dans ce monde qui nous amène inévitablement un jour ou l'autre, à ne trouver personne parmi ceux qui nous entourent, rappelons nous que Jésus est encore toujours quelqu'un. Vous avez certainement entendu ou lu ce rêve fait par un chrétien du Brésil. Il rêvait qu'il marchait sur une plage de sable, non pas aux Sables d'Olonne mais au Brésil, sur une belle plage, côte à côte avec le Seigneur Jésus. Et à un moment, il a regardé en arrière, et il s'est aperçu qu'à certains endroits, au lieu de deux empreintes, il n'y en avait plus qu'une. Et, chose curieuse, cela correspondait aux pires moments de son existence. Les jours de doute, les jours d'épreuve, les jours de mauvaise humeur, les jours où rien ne va plus. Il s'est alors tourné vers le Seigneur Jésus et lui dit:"Mais n'avais-tu pas promis d'être avec nous tous les jours? Pourquoi m'as-tu laissé tout seul aux pires moments de mon existence?" Et le Seigneur Jésus lui a répondu:" Mon enfant, les jours où tu ne vois qu'une seule trace, ce sont les jours où je t'ai porté!"

Je n'ai personne! Voilà donc un homme qui s'imagine qu'il ne peut retrouver la santé qu'en descendant dans la piscine et comme il ne voit personne pour l'aider, il doute de sa guérison. Combien de fois, nous aussi, nous doutons, nous demeurons dans la détresse, simplement parce que nous n'entrevoyons la délivrance que sous certaines conditions qui nous échappent ou par certains moyens dont nous ne disposons pas. Or Jésus lui dis:"Lève toi, prend ton lit et marche!" Le Seigneur possède des possibilités qui nous échappent, il peut intervenir là où toute intervention humaine semble vouée à l'échec. Alors depuis quand cherchons-nous la délivrance? depuis quand attendons-nous la réponse à telle ou telle de nos prières? Oh! il y a tellement longtemps, aujourd'hui nous n'y croyons presque plus; nous jugeons inutile toute nouvelle tentative; nous en avons pris notre parti; nous avons peut-être renoncer à espérer et à prier. Recevons ce récit de la guérison du paralytique comme une grande et nouvelle espérance.

Je vais maintenant vous dire quelques mots sur le problème des lépreux.

Il n'y a pas grand rapport avec l'histoire du paralytique, si ce n'est que la lèpre, si elle n'est pas soignée à temps, aboutit à une certaine paralysie des mains et des pieds. Mais, bien-sûr, ce n'est pas là le problème principal des lépreux.
Le problème des lépreux est avant tout le problème de la solitude. Je n'ai personne, voilà ce que peuvent dire aujourd'hui beaucoup de lépreux. Vous allez me dire que la lèpre est une maladie qui a disparu. Depuis longtemps il est vrai qu'elle a pratiquement disparu de la plupart des pays européens, mais il y a encore de nombreux lépreux dans le monde; il y a chaque année plus de 500 000 et même, en 1999, 750 000 nouveaux cas de lèpre; donc la maladie n'a pas disparu. Il y a de nombreux lépreux en Asie, puisque l'Inde à elle seule en compte 73%. C'est donc une maladie qui existe encore et le problème essentiel est celui de la solitude des lépreux, car dans ces nombreux pays d'Asie, d'Afrique ou d'Amérique latine où la lèpre sévit encore, les lépreux ne sont pas les bienvenus, loin de là. Ils sont rejetés, ils sont marginalisés, ils deviennent des parias, des intouchables. Ils sont exclus comme on dit aujourd'hui; les lépreux dehors! on n'en veut pas. On peut vraiment dire je n'ai personne; personne pour me soigner, je n'ai personne pour m'aider, je n'ai personne pour m'aimer, tout simplement. D'autant plus que depuis des siècles, on a toujours dit que la lèpre était une espèce de malédiction; si quelqu'un a la lèpre, c'est qu'il a dû commettre des crimes, des fautes, des péchés abominables, dans cette vie ou dans une autre vie, peu importe, mais il est puni. Puni par le dieu ou les dieux de quel que nom qu'ils s'appellent.

C'est là qu'en tant que mission évangélique nous avons évidemment un rôle énorme à jouer. Jésus aime les lépreux, les lépreux ne sont ni pires ni meilleurs que les autres, mais Jésus est mort et ressuscité pour les lépreux, comme pour n'importe lequel d'entre nous. Il n'y a pas de différence, en Jésus-Christ, il n'y a plus de condamnation, plus aucune malédiction; sur la croix, Jésus a pris sur lui toutes les malédictions. Par conséquent, il n'y a aucune raison valable pour exclure, pour rejeter ces victimes de la lèpre. La lèpre en réalité, est une maladie moins grave que toutes sortes de maladies; la lèpre est moins grave que la tuberculose, que le paludisme, sans parler du cancer et du sida. Il n'y a donc aucune raison de rejeter les victimes de la lèpre; ce sont des malades parmi beaucoup d'autres malades et comme malades, il faut d'abord les soigner. Il y a aujourd'hui un traitement tout à fait efficace pour guérir la lèpre. Il faut aussi les aider et les aimer. Voilà le but de notre mission.

Amen!

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