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Matthieu 16:13-20 (Annotée Neuchâtel)

   13 Et Jésus étant arrivé sur le territoire de Césarée de Philippe, interrogeait ses disciples, disant : Qui disent les hommes que je suis, moi le fils de l'homme ? 14 Et ils dirent : Les uns, Jean-Baptiste ; d'autres, Elie ; d'autres, Jérémie, ou l'un des prophètes. 15 Il leur dit : Mais vous, qui dites-vous que je suis ? 16 Simon Pierre répondant dit : Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant. 17 Et Jésus répondant lui dit : Heureux es-tu, Simon, fils de Jona ; parce que ce ne sont pas la chair et le sang qui t'ont révélé cela, mais c'est mon Père qui est dans les cieux. 18 Et moi aussi je te dis que tu es Pierre et que sur ce roc-là je bâtirai mon Eglise, et les portes du séjour des morts ne prévaudront point contre elle. 19 Et je te donnerai les clefs du royaume des cieux ; et ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux ; et ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux. 20 Alors il défendit à ses disciples de dire à personne qu'il était, lui, le Christ.

Références croisées

16:13 Mt 15:21, Ac 10:38, Mc 8:27, Lc 9:18-20, Mt 8:20, Mt 9:6, Mt 12:8, Mt 12:32, Mt 12:40, Mt 13:37, Mt 13:41, Mt 25:31, Dn 7:13, Mc 8:38, Mc 10:45, Jn 1:51, Jn 3:14, Jn 5:27, Jn 12:34, Ac 7:56, He 2:14-18
Réciproques : Ct 5:9, Ez 2:1, Mt 20:17, Mt 21:11, Mt 22:42, Mc 2:10, Lc 5:24, Jn 7:12, Ac 9:30
16:14 Mt 14:2, Mc 8:28, Ml 4:5, Mc 6:15, Lc 9:18-19, Jn 7:12, Jn 7:40, Jn 7:41, Jn 9:17
Réciproques : 1R 17:1, Mt 3:1, Mt 21:11, Jn 1:21, Jn 7:39, Jn 9:2
16:15 Mt 13:11, Mc 8:29, Lc 9:20
Réciproques : Jn 20:6
16:16 Mt 14:33, Mt 26:63, Mt 27:54, Ps 2:7, Mc 14:61, Jn 1:49, Jn 6:69, Jn 11:27, Jn 20:31, Ac 8:37, Ac 9:20, Rm 1:4, He 1:2-5, 1Jn 4:15, 1Jn 5:5, 1Jn 5:20, Dt 5:26, Ps 42:2, Dn 6:26, Ac 14:15, 1Th 1:9
Réciproques : Dt 32:4, Js 3:10, Ps 27:5, Ps 125:1, Pr 22:12, Jr 10:10, Mt 10:2, Mt 16:22, Mc 3:16, Mc 5:7, Mc 8:29, Lc 2:11, Lc 9:20, Jn 1:34, Jn 9:35, Jn 17:25, Jn 20:6, Rm 4:11, 1Co 12:3, 2Co 1:19, 2Co 3:3, Ph 3:8, 1Tm 3:15, He 12:22, 1Jn 5:1, Ap 20:9
16:17 Mt 5:3-11, Mt 13:16-17, Lc 10:23-24, Lc 22:32, 1P 1:3-5, 1P 5:1, Jn 1:42, Jn 21:15-17, Ga 1:11-12, Ga 1:16, Mt 11:25-27, Es 54:13, Lc 10:21-22, Jn 6:45, Jn 17:6-8, 1Co 2:9-12, Ga 1:16, Ep 1:17-18, Ep 2:8, Ep 3:5, Ep 3:18, Ep 3:19, Col 1:26-27, 1Jn 4:15, 1Jn 5:20
Réciproques : Ps 1:1, Ps 32:1, Ps 119:18, Pr 30:3, Es 29:11, Es 29:18, Es 32:4, Es 53:1, Dn 11:35, Mt 7:21, Mt 13:11, Mt 16:22, Mc 4:11, Mc 13:26, Lc 8:10, Lc 9:20, Jn 3:3, Jn 6:44, Jn 12:38, Ac 13:6, 1Co 2:10, 1Co 12:3, 1Co 14:6, 1Co 15:50, 2Co 1:19, 2Co 3:14, Ga 2:11, Ga 5:17, Ep 6:12, Ph 1:29, Ph 3:8, 1P 1:12
16:18 Mt 10:2, Jn 1:42, Ga 2:9, Es 28:16, 1Co 3:10-11, Ep 2:19-22, Ap 21:14, Za 6:12-13, 1Co 3:9, He 3:3-4, Mt 18:17, Ac 2:47, Ac 8:1, Ep 3:10, Ep 5:25-27, Ep 5:32, Col 1:18, 1Tm 3:5, 1Tm 3:15, Gn 22:17, 2S 18:4, Jb 38:17, Ps 9:13, Ps 69:12, Ps 107:18, Ps 127:5, Pr 24:7, Es 28:6, Es 38:10, 1Co 15:55, Ps 125:1-2, Es 54:17, Jn 10:27-30, Rm 8:33-39, He 12:28, Ap 11:15, Ap 21:1-4
Réciproques : Gn 48:14, Ex 40:8, Ex 40:18, Nb 23:23, 2S 7:13, 2S 7:16, 2S 22:2, 1R 7:21, 1R 15:4, 2Ch 4:4, 2Ch 14:11, Est 4:14, Ps 48:8, Ps 87:1, Ps 87:5, Ps 129:2, Ps 147:2, Pr 9:1, Pr 10:25, Ct 8:9, Es 14:32, Es 22:22, Es 26:1, Es 33:20, Es 54:10, Es 56:5, Es 62:12, Dn 2:34, Mi 5:4, Za 4:9, Mt 7:25, Lc 22:18, Ac 5:39, Ac 12:24, Ac 15:7, Ga 2:11, Ep 1:22, Ep 2:20, He 3:6, He 10:21, Ap 12:8
16:19 Ac 2:14-42, Ac 10:34-43, Ac 15:7, Es 22:22, Ap 1:18, Ap 3:7, Ap 9:1, Ap 20:1-3, Mt 18:18, Jn 20:23, 1Co 5:4-5, 2Co 2:10, 1Th 4:8, Ap 11:6
Réciproques : Lv 13:3, Mc 13:34, Lc 9:1, 1Tm 3:15
16:20 Mt 8:4, Mt 17:9, Mc 8:30, Mc 9:9, Lc 9:21, Lc 9:36, Jn 1:41, Jn 1:45, Jn 20:31, Ac 2:36, 1Jn 2:22, 1Jn 5:1
Réciproques : Jn 4:26

Notes de la Bible Annotée Neuchâtel

A savoir : les notes ne font PAS partie du texte biblique. Plus d'informations
Matthieu 16
  • 16.13 Et Jésus étant arrivé sur le territoire de Césarée de Philippe, interrogeait ses disciples, disant : Qui disent les hommes que je suis, moi le fils de l'homme ? 13 à 28 A Césarée de Philippe. Question sur le fils de l'homme. Confession de Pierre. Pouvoir des clefs.
    Ville appelée anciennement Paneas, située au pied de l'Hermon, près des sources du Jourdain. Elle avait été agrandie par le tétrarque Philippe, et nommée par lui Césarée en l'honneur de l'empereur ; on ajoutait à ce nom celui de Philippe pour la distinguer de l'autre Césarée, située sur les bords de la mer Méditerranée.
    Jésus se rendait dans ces contrées montagneuses et à demi païennes du nord, pour y trouver la solitude qu'il avait cherchée déjà sur la rive orientale du lac, ou dans la contrée de Tyr et de Sidon. (Chap. Matthieu 14 et Matthieu 15) Il avait d'ailleurs de graves questions à adresser à ses disciples et des révélations importantes à leur faire. (Comparer sur le site de Césarée de Philippe, Jésus, par Mme de Gasparin, p. 127 et suivants)
    Des manuscrits autorisés et des versions anciennes retranchent le pronom moi, que Tischendorf omet aussi. Alors il faudrait traduire : "Qui disent les hommes (les gens, autour de nous, dans le pays) qu'est le fils de l'homme ?"
    Le sens reste le même au fond, puisque Jésus se désignait ordinairement par cette expression : le fils de l'homme.
    - La question signifie donc : A quelle conviction est-on arrivé sur moi qui suis apparu dans l'humble condition d un enfant des hommes ? S'élève-t-on jusqu'à la conception vraie de ma mission messianique renfermée dans ce nom ? (Comparer Matthieu 8.20 note.)
    Les disciples avaient pu recueillir, en parcourant le pays lors de leur première mission, de nombreuses informations à ce sujet. Et cette question générale avait pour but d'introduire une autre question que Jésus se proposait de leur adresser à eux plus directement. (verset 15)
  • 16.14 Et ils dirent : Les uns, Jean-Baptiste ; d'autres, Elie ; d'autres, Jérémie, ou l'un des prophètes. Toutes ces opinions revenaient à tenir Jésus pour un précurseur du Messie. Jean-Baptiste étant mort, ceux qui croyaient le voir revivre en Jésus partageaient la superstition d'Hérode. (Matthieu 14.2)
    Ceux qui le tenaient pour Elie ne pensaient pas que ce prophète eût reparu en Jean-Baptiste. (Matthieu 11.14 ; 17.10)
    Jérémie, le prophète-martyr, qui avait présidé à la ruine de Jérusalem, joua un grand rôle dans la légende postérieure. D'après 2 Maccabées 2 :4 et suivants, il aurait caché l'arche et les ustensiles sacrés. L'idée de la réapparition des anciens prophètes était générale dans le judaïsme depuis l'exil. (1Ma 9 :27 4 :46 4 Esd 2 :18)
    B. Weiss pense que ceux qui tenaient Jésus pour Jérémie ou l'un des prophètes, ne le regardaient pas comme le précurseur du Messie, et se distinguaient par là des premiers. Mais ces réapparitions d'anciens prophètes ne se rattachaient-elles pas toutes, dans la croyance populaire, à l'ère messianique ? (Comparer Jean 1.21 ; 7.40)
    - On voit par cette réponse des disciples que, si plusieurs fois la multitude avait pressenti en Jésus un envoyé de Dieu, très peu cependant osaient le reconnaître comme le Messie et le Sauveur. La foi claire et ferme de Pierre (verset 16) est d'autant plus admirable.
  • 16.15 Il leur dit : Mais vous, qui dites-vous que je suis ? Mais vous ? Question capitale pour les disciples d'alors et pour ceux de tous les temps !
    Jésus n'avait jamais déclaré expressément à ses disciples qui il était. Il avait voulu, avec une sagesse profonde, qu'ils arrivassent par degrés à le connaître en écoutant ses paroles, en voyant ses œuvres, en contemplant sa vie sainte, en se formant ainsi une conviction personnelle et vivante. La vraie foi ne naît pas autrement.
    Mais maintenant que le temps de ses souffrances et de sa mort approchait (vers. 21), temps d'épreuve terrible pour les disciples, le Maître veut qu'ils se rendent compte de leur foi et qu'ils la lui confessent solennellement, afin de s'y affermir. L'heure de la décision pour leur vie entière avait sonné.
  • 16.16 Simon Pierre répondant dit : Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant. Pierre, selon son habitude et son caractère, prend la parole, mais il la prend au nom de tous.
    - Le Christ en grec, comme le Messie en hébreu, signifie l'Oint, l'Oint de l'Eternel, par la plénitude de l'Esprit de Dieu. (Matthieu 1.16, note.)
    Pierre voyait donc en Jésus-Christ l'accomplissement de toutes les promesses, la réalisation divine de l'ancienne alliance tout entière, le Libérateur promis à Israël et au monde.
    - Mais il ne s'en tient pas là. Ce Messie est pour lui le Fils de Dieu, dans un sens unique, exclusif, (Matthieu 3.17) Celui qui est lui-même la parfaite révélation de Dieu. (Matthieu 11.27) Il est probable toutefois que la pleine signification de ce nom n'a été comprise par les apôtres qu'après la résurrection de Christ (Romains 1.4) et sous l'influence de l'Esprit de la Pentecôte.
    - Pour bien marquer la portée de sa confession, Pierre ajoute au nom de Dieu une épithète au sens profond : Fils du Dieu vivant, l'opposant ainsi aux idoles sans vie qu'adorent les hommes (Actes 14.15 ; 17.29) et le présentant comme la source unique de la vie de l'univers, de la vie divine qui se manifestait en son Fils. (Jean 6.68)
    "Dès l'origine la simplicité tout humaine et la pauvreté de la vie de Jésus, l'apparence faible du fils de l'homme avait contrebalancé l'impression des grands faits dont les apôtres étaient les témoins ; en dernier lieu les misères de leur vie de fugitifs avaient jeté un sombre voile sur les manifestations de la gloire de Jésus. La confession de Simon Pierre, dans ces circonstances, est un grand acte. On ne sait ce qu'on doit admirer le plus, de cet élan des disciples qui brisent le moule de la pensée juive, cassent le jugement des chefs religieux, s'élèvent au-dessus de l'opinion populaire, trouvent élevé et divin ce qui est humble et foulé aux pieds, parce que, aux yeux de l'esprit, cela est élevé et reste divin, ou de la personnalité de Jésus qui, malgré la puissance accablante des circonstances extérieures, obtient de si faibles disciples l'expression franche, pure, sublime de l'effet produit sur eux par l'ensemble de son activité." Keim.
    - C'est dans notre évangile que cette confession de Pierre est la plus complète. D'après Marc, il dit : Tu es le Christ ; d'après Luc : Tu es le Christ de Dieu ; d'après Jean : (Jean 6.69) Tu es le Saint de Dieu ; mais ces titres impliquent celui de Fils de Dieu.
    - Matthieu seul rapporte les paroles de Jésus à Pierre qui suivent.
  • 16.17 Et Jésus répondant lui dit : Heureux es-tu, Simon, fils de Jona ; parce que ce ne sont pas la chair et le sang qui t'ont révélé cela, mais c'est mon Père qui est dans les cieux. Oui heureux, car une telle foi ouvrait à Pierre la source du bonheur présent et éternel !
    - Jésus donne à son disciple son ancien nom complet, par opposition au nouveau qu'il va lui confirmer. (verset 18 ; comparez Jean 1.43)
    Quelques interprètes ne veulent voir dans ces noms de Simon, fils de Jona, que la solennité du discours. (L'original conserve le mot hébreu : Barjona, fils de Jona.)
    D'autres pensent que Jésus les donne à Pierre à cause de leur signification : Simon, celui qui écoute, qui sait écouter et entendre ; Jona, la colombe, l'emblème de l'Esprit. (Matthieu 3.16) Mais telle n'est point l'intention du Sauveur. En donnant à son disciple son ancien nom, en ramenant ainsi sa pensée sur son état naturel, dans lequel il n'aurait jamais pu faire une telle confession, Jésus le prépare à la solennelle déclaration qui suit sur l'origine de sa connaissance et de sa foi.
    La chair et le sang, c'est l'homme mais l'homme naturel tel qu'il naît et vit sans la régénération par l'Esprit. (Jean 3.6,1Corinthiens 15.50 ; Galates 1.16)
    Or, ce n'est pas là ce qui révèle à une âme la divinité de son Sauveur. Le Père seul le fait par son Esprit. Sans cette action divine, la présence même et la parole de Jésus n'auraient pas suffi pour amener Pierre a la foi, comme le prouve l'exemple de tant de ses auditeurs qui n'y parvinrent point. (Jean 6.60-66)
    - L'objet du verbe t'ont révélé n'est pas exprimé en grec ; il ressort de la confession de Pierre : (verset 16) c'est le fait que Jésus est le Messie, le Fils de Dieu.
  • 16.18 Et moi aussi je te dis que tu es Pierre et que sur ce roc-là je bâtirai mon Eglise, et les portes du séjour des morts ne prévaudront point contre elle. Grec : "tu es Petros (masculin), un roc : et sur cette petra (féminin), sur ce roc, je bâtirai..." On voit que l'évangéliste a employé en grec ces deux synonymes de manière à ce que l'un soit un nom propre, l'autre un nom commun.
    Le français comme le grec rend ce jeu de mots : "Tu es Pierre, et sur cette pierre..." Mais Jésus parlait araméen et répéta identiquement le même terme : "Tu es Kèphas (roc) et sur ce Kèphas..." (Jean 1.43)
    - On a trouvé une contradiction entre ce dernier passage et notre récit : d'après Jean, Pierre aurait reçu ce nom dès le commencement. Mais ici Jésus ne lui donne pas ce nom, il le lui confirme : tu es Pierre.
    - Quel est le sens des paroles si longuement controversées : sur ce roc je bâtirai mon Eglise ? Et d'abord, qu'est-ce ici que l'Eglise, mot qui ne se trouve nulle part dans nos évangiles, sauf dans notre passage et dans Matthieu 18.17 ?
    Le terme français Eglise est grec par son étymologie (ecclèsia), et dans la langue originale, il signifie toute assemblée ou plutôt convocation même en dehors d'un but religieux. (Actes 19.39,40) Jésus se servit sûrement du mot hébreu kahal, qui désignait les convocations solennelles du Peuple israélite. Par ce terme, il n'entendait pas désigner une Eglise particulière, mais l'ensemble de ceux qui croiraient en lui. (Il en est autrement au Matthieu 18.17)
    Enfin, il considère l'Eglise, suivant une figure de langage qu'emploiera fréquemment l'apôtre Paul, comme un édifice qu'il s'agit de bâtir.
    La critique négative, n'admettant pas que Jésus pût ainsi parler de son Eglise avant qu'elle existât, révoque en doute l'authenticité de ces paroles, qui, selon elle, appartiennent à un ordre de faits postérieurs.
    Comment alors Jésus pourrait-il parler si souvent de son royaume (vers. 19), en décrire tous les caractères et tous les développements, jusqu'à la perfection ? La notion d'une telle société spirituelle était d'ailleurs donnée par la communion des âmes pieuses du milieu du peuple d'Israël, qui formaient déjà une Eglise. Et même le petit nombre de croyants réunis autour du Sauveur n'étaient-ils pas déjà son Eglise ? Et Jésus n'aurait pu en prévoir tous les développements futurs ! Il faut s'y résigner : retrancher du Nouveau Testament la prescience et la divinité de Jésus-Christ, c'est se condamner à n'y plus trouver qu'une longue suite d'énigmes.
    - Maintenant, quelle prérogative le Seigneur confère-t-il à Pierre par ces paroles ? Il faut d'abord en écarter toutes les interprétations contraires à une saine exégèse. Ainsi l'idée d'Augustin que Jésus, en disant : sur ce roc, se désignait lui-même du geste. Ainsi encore celle de plusieurs Pères et de la plupart des interprètes protestants que ce roc, c'est la confession de Pierre, ou sa foi considérée dans un sens abstrait. Sans doute, c'est a cause de cette foi que le Seigneur le proclame le roc sur lequel il fondera. son Eglise, et l'instant d'après quand Pierre ne comprendra point les choses divines, il l'appellera Satan. (verset 23)
    Mais il faut bien reconnaître que Jésus en lui disant : Tu es Pierre,...sur cette pierre, je bâtirai,...désigne bien la personne de l'apôtre. C'est sur sa personne, pour autant du moins qu'il se montrera, par l'obéissance et la foi, un rocher, c'est sur son action personnelle, que reposera l'édifice de l'Eglise.
    L'événement a confirmé la prophétie. Les premiers chapitres du livre des Actes nous présentent Pierre comme le fondateur de l'Eglise, parmi les Juifs, Matthieu 2 parmi les Samaritains (Matthieu 8.14 et suivants) et parmi les païens. (Matthieu 10) Dans tous les catalogues des apôtres, Pierre est nommé le premier. (Matthieu 10.2 ; Marc 3.16 ; Luc 6.14 ; Actes 1.13) Il a donc bien occupé aux yeux de l'Eglise primitive le rang que le Maître lui avait assigné.
    Qu'y a-t-il dans ce fait qui puisse donner le moindre prétexte aux inventions absurdes et impies de l'Eglise de Rome ? Un apôtre n'a point de successeurs, Pierre n'a point fondé l'Eglise de Rome et n'en fut jamais l'évêque (voir l'introduction à l'épître aux Romains) ; mais l'eut-il été, la prétention des papes à hériter de son rang et de beaucoup plus encore, constitue une impiété. Paul sans doute ne craint pas de montrer l'Eglise bâtie "sur le fondement des apôtres," mais il a soin d'ajouter que Jésus-Christ en reste "la pierre angulaire" (Ephésiens 2.20 ; comparez Matthieu 21.42), le seul fondement divin qu'on puisse poser. (1Corinthiens 3.11 ; 1Pierre 2.6)
    Quant à Pierre s'il joua un rôle prépondérant tant qu'il s'agit de jeter les premiers fondements de l'Eglise, d'autres apôtres, Paul par son action, Jean par ses écrits, y sont, dans la suite, devenus plus grands que lui. Et lui-même n'eut jamais d'autre sentiment. (1Pierre 5.1 ; comparez Matthieu 19.28 ; Apocalypse 21.14) En outre, dans tout le Nouveau Testament, on ne trouve pas trace d'une suprématie exercée par Pierre dans le gouvernement de l'Eglise. C'est l'Eglise qui élit les diacres. (Actes 6) Quand il s'agit de baptiser les premiers païens, Pierre consulte les disciples, (Actes 10.47) puis il se justifie humblement devant l'Eglise ; (Actes 11.2 et suivants) dans le concile de Jérusalem, il prend une part décisive à la discussion mais c'est Jacques qui propose et fait adopter la résolution ; (Actes 15) enfin cet apôtre accepte la répréhension de Paul. (Galates 2)
    Ajoutons que tout ce discours de Jésus a Pierre est omis dans le récit de Marc, son "interprète," et dans celui de Luc, preuve que ces prérogatives temporaires avaient peu d'importance dans la tradition apostolique. (Voir sur ce passage R. Stier, Discours du Seigneur, tome II, p. 204 et suivants)
    Le séjour des morts (grec hadès, le lieu invisible, comparez Matthieu 11.23, note) est considéré comme une forteresse ayant des portes si fermes, que nul n'en peut ressortir. (Comparer Job 38.17 ; Esaïe 38.10 ; Psaumes 9.14) Or, Jésus affirme que l'édifice de son Eglise sera plus ferme encore, et qu'elle ne périra jamais. Toutes les interprétations qui supposent ici un combat de la puissance des ténèbres contre l'Eglise faussent l'image ; des portes n'attaquent pas, mais ces portes de la mort s'ouvrent pour engloutir des victimes, et elles n'engloutiront jamais l'Eglise : celle-ci ne mourra point.
    De plus, il ne faut pas, comme nos versions ordinaires, confondre le hadès, séjours des morts, avec l'enfer.
  • 16.19 Et je te donnerai les clefs du royaume des cieux ; et ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux ; et ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux. Le royaume des cieux (comparez Matthieu 3.2, note) a ici à peu près le même sens que le mot Eglise (vers. 18), avec cette nuance que l'expression est plus générale. Le royaume de Dieu, en effet, est plus étendu que l'Eglise, il embrasse des sphères de la vie humaine qui n'appartiennent pas nécessairement à l'Eglise, comme l'Etat, la famille, Ia culture de l'esprit humain par la civilisation, les sciences, les arts. Mais en dernier résultat, lorsque ce royaume sera parvenu à la perfection par le retour de Christ, il sera identifié avec l'Eglise.
    - Ce royaume, ainsi que l'Eglise qu'il s'agit de bâtir, (verset 18) est envisagé figurément comme un édifice qu'on ouvre ou ferme au moyen de clefs. Posséder ces clefs, c'est avoir l'autorité d'ouvrir ou de fermer, d'admettre ou d'exclure. (Voir sur cette image Esaïe 22.22,Luc 11.52 ; Apocalypse 1.18 ; 3.7 ; 9.1)
    Après avoir comparé Pierre au rocher sur lequel l'édifice de l'Eglise sera bâti, Jésus I'assimile à un intendant qui administre la maison de son Maître. C'est par la prédication de l'Evangile qui produit la foi, qui est "odeur de vie ou odeur de mort" qui ouvre ou ferme par conséquent le royaume, que l'apôtre remplit son office. Ce pouvoir ne fut point donné à Pierre seul (voir la note suivante) et ne lui fut point conféré au moment où il entendit ces paroles, mais après qu'il eut reçu l'Esprit de Dieu. De là le futur : Je te donnerai.
    Ces paroles, également figurées, complètent celles qui précèdent. Elles ont été très diversement interprétées, selon ce qu'on entend par les mots lier et délier. Les uns, pour mettre ces termes en harmonie avec l'image des clefs, leur font signifier fermer et ouvrir, c'est-à-dire exclure ou admettre.
    Mais ce sens ne se justifie par aucun exemple dans la langue grecque ; et d'ailleurs l'objet de ces verbes, ce pronom neutre : ce que tu auras lié ou délié ne peut s'appliquer à une porte et moins encore à des personnes exclues ou admises.
    D'autres, trouvant dans l'hébreu rabbinique l'usage des mots lier et délier pour défendre ou permettre, adoptent ce sens, et y voient l'autorité conférée à Pierre (et aux autres apôtres) pour le gouvernement de l'Eglise.
    D'autres enfin, rapprochant les paroles de Jésus de celles qu'il adresse à ses disciples dans Jean 20.23, et rappelant que les péchés qu'il les autorise à remettre sont une dette, une obligation dont le pardon délie les âmes, entendent notre passage dans ce sens de remettre ou retenir les péchés.
    Cette interprétation ne peut guère être contestée, puisqu'elle s'appuie sur une parole si claire de Jésus. Les deux derniers sens indiqués, loin de s'exclure, s'appellent l'un l'autre.
    L'autorité des apôtres pour administrer l'Eglise suppose leur autorité pour exercer la discipline, et cette double autorité est inséparable du rôle qu'ils sont appelés à jouer dans l'établissement et le développement du royaume des cieux.
    - Mais il faut se hâter d'ajouter que ce pouvoir redoutable, ici conféré à Pierre, l'est également à tous les apôtres, et même à toute l'Eglise, (Matthieu 18.18 ; Jean 20.23) dans laquelle réside, pour tous les temps, l'autorité d'exercer sur ses membres une discipline chrétienne. Et encore faut-il, pour éviter les abus dont ces paroles sont devenues le prétexte, que l'Eglise elle-même n'agisse en ceci qu'en pleine conformité avec la Parole de Dieu et sous l'influence de son Esprit. Hors de là, toutes ses décisions sur la terre, bien loin d'être ratifiées dans le ciel (par Dieu lui-même), se trouveraient n'être que des usurpations sacrilèges.
  • 16.20 Alors il défendit à ses disciples de dire à personne qu'il était, lui, le Christ. (Comparer Matthieu 8.4, note.)
    Jésus ne veut ni exciter de fausses espérances messianiques parmi le peuple, ni provoquer avant le temps la haine de ses adversaires. A l'heure du martyre, il déclarera lui-même solennellement qui il est. (Matthieu 26.63,64)
    - Ce mot très accentué : "Qu'il est lui le Christ," que nos versions affaiblissent, reporte la pensée sur le dialogue qui précède, versets 13-16.
    - Le texte reçu porte : "que lui Jésus est le Christ." Mot ajouté, non authentique.