Deux chemins pour traverser la crise sociale
4. Le Christ, paradigme d'une nouvelle manière de faire
Type : Dossier
Thème : Questions de Société
Source : Aimer & Servir
Réf./Date source : n°100
Publié sur Lueur le
- Deux chemins pour traverser la crise sociale
- Le droit et le tordu : les processus sociaux de (dé)valorisation
- Ce que le démuni nous donne : le faible comme bouc émissaire
- Le Christ, paradigme d'une nouvelle manière de faire
La place du Christ, dans ce passage, s'inscrit, à mon avis, dans le retournement du passif à l'actif. On sera frappé, en effet, du grand nombre de verbes au passif au début du texte, tandis que la voie active domine à la fin du passage. Le Christ choisit de rejoindre ce chemin de faiblesse que d'autres ont parcouru à leur corps défendant. Il nous indique, dans le même temps, ce qui doit être le but de toute personne en souffrance. Alors que tout lui tombe dessus, nous devons l'aider à passer de la passivité au choix. On retrouve une idée parente de celle que Freud formula autrefois : "là où çà était il faut que je advienne". Là où tout n'est que "çà", contrainte extérieure, violence subie, il faut que "je" me décide, que je devienne acteur de mon existence. Que la faiblesse choisie prenne la place de la violence subie, du ressentiment et de l'aigreur.
Si nous retrouvons la figure du Christ dans ces lignes, il faut la comprendre plus, me semble-t-il, comme un exemple pratique du mode d'agir de Dieu, un exemple incarné, un exemple à suivre, que comme le compte rendu d'une sorte de marchandage magique qui fait que Dieu annule nos fautes. Dire que Dieu pardonne nos fautes, ou dire qu'il emprunte le chemin de faiblesse revient au même. Le pardon accordé aux ennemis fait partie intégrante de ce chemin. En empruntant ce chemin Jésus rejoint le pôle dévalorisé de la société, et la place du bouc émissaire. Ceci explique pourquoi nous reconnaissons aussi facilement l'oeuvre du Christ dans ce dernier chant du serviteur.
La vie du Christ n'a donc pas seulement une portée spirituelle elle a aussi une portée matérielle. Elle ne contient pas uniquement un sens éternel, mais aussi un sens actuel. Jésus nous appelle à marcher à sa suite, à suivre le chemin de l'homme de douleur. Dieu a choisi d'agir dans la faiblesse, dans l'incognito, pour laisser à l'homme la liberté de le suivre. En traduisant littéralement le verset 9 on y lit qu'il a pratiqué la non-violence. Il y a deux chemins pour traverser la crise. On peut jouer le rapport de force, la désinflation compétitive, la concurrence à outrance. Cela multiplie les souffrances, les exclus, les dévalorisés. Mais on peut aussi choisir d'être attentifs à l'autre, à sa faiblesse, à sa souffrance.
Si nous sommes prêts à payer de notre personne nous verrons ce que le roi ne voit pas. Alors que l'oppression s'enferre peu à peu dans une domination stérile, le chemin de faiblesse est porteur d'avenir, il porte du fruit. Nous ne faisons, ici que commenter le texte: "Il a fait germer une semence durable, il verra le fruit de ses efforts" (v.10). Répétons la même chose d'une autre manière encore : Jésus n'a pas seulement accompli le pardon des péchés il a institué la possibilité du pardon. "Par sa vie, nous dit-on, il a institué la réparation du délit" (v.10). A nous de suivre la voie de cette nouvelle institution. Il nous est loisible de recourir à la solution de facilité, de gagner sur le court terme, d'entrer dans un rapport de force, ou d'entamer une démarche de pardon, de faire un pas vers l'autre. Qui sait ce qui va gagner ? La guerre commerciale ou la paix sociale ? En tout état de cause, sachons que cette paix a un prix comme toute la Bible nous le rappelle : il n'y a pas de paix sans justice.
La crise nous environne. Plus que jamais nous sommes appelés à nous porter les uns les autres, à intercéder les uns pour les autres, à marcher sur le chemin de l'homme de douleur, le chemin de faiblesse.
Il y a deux chemins.
Puissions-nous marcher sur le chemin de la vie !
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