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Réincarnation ou résurrection ?
2. Je crois... la résurrection du corps

Auteur :
Type : Dossier
Thème : Religions et Croyances
Source : Construire Ensemble
Réf./Date source : 2001  
Publié sur Lueur le
Sommaire du dossier :
  1. Je crois... la résurrection du corps
  2. Des chiffres surprenants
  3. Quand un moine bouddhiste devient chrétien...
  4. La résurrection : réflexions à partir de 1 Corinthiens 15
  5. Plus fort que la mort
  6. Résurrection - réincarnation : ils s’en font tout un film !
  7. Qu'est-ce que la résurrection change pour moi, aujourd'hui ?

"Je crois... la résurrection du corps et la vie éternelle" (1)

En quoi la foi en la résurrection et la croyance en la réincarnation sont elles incompatibles ?

Pour situer l'enjeu de la question, une précision s'impose : si la réincarnation est une croyance incompatible avec la foi chrétienne en la résurrection, cela ne nous autorise pas pour autant à la traiter avec mépris. Ceci pour au moins deux raisons : d'abord, parce que les personnes qui adhèrent à cette croyance ne sont de loin pas toutes animées par des motivations fantaisistes, ni par une curiosité malsaine, ni même par un effet de mode à l'égard de la pensée orientale. On ne peut l'ignorer : cette croyance en une succession de vies terrestres, à chaque fois ré-incarnée dans un corps porteur de sa propre destinée, a des implications pratiques et existentielles. Elle reflète la recherche d'une consolation et d'une solution cohérente aux angoisses et aux échecs inhérents à la vie présente.

Une seconde raison nous interdit de traiter avec mépris la croyance en la réincarnation : c'est notre difficulté à traduire dans notre vie présente les conséquences de notre foi en la résurrection du corps. Cette espérance qui est la nôtre, et qui repose sur la résurrection de notre Seigneur Jésus-Christ, nous rappelle notre entière dépendance de la grâce de Dieu. Or, comme le fait remarquer le professeur d'éthique Denis Müller, "tant de chrétiens sont des maniaques du salut et des hyper-angoissés de la mort. " Il nous interroge en disant : "n'y a-t-il pas ici une conception héroïque et tragique du salut, qui nie la grâce offerte à la croix ? " Alors que la foi chrétienne, fait-il remarquer, est "une critique radicale... d'idées telles que "faire son salut ", "jouer son salut " ? (2)

Déjà nous rejoignons ici une objection faite par les partisans de la réincarnation à l'encontre de la foi chrétienne. Ils soulignent justement ce qu'il y aurait de dramatique à "jouer son salut " dans une seule existence, les "chances de gagner " étant très inégales d'une personne à l'autre. Cette objection devrait nous alerter : elle pose un regard sur la foi chrétienne qui en fait un salut élitiste, auquel tous ne seraient pas appelés avec la même possibilité d'y accéder. Nous pressentons déjà que notre critique de la croyance en la réincarnation va se jouer essentiellement autour du témoignage rendu à la grâce de Dieu en Jésus-Christ. Témoignage dont l'exigence incontournable se trouve dans la cohérence entre l'annonce de la grâce et ses implications dans notre approche existentielle de la vie et de la mort – de la mort et de la vie !

La notion de karma (3)

Ce qui vient d'être dit doit être prolongé par un regard sur un aspect incontournable de la croyance en la réincarnation : la notion de karma.

Le "karma " peut être défini comme une "loi de rétribution ". Cette rétribution dont une personne fait l'objet est directement liée à ses actes accomplis dans le cours de ses existences. Par cette loi, une relation inéluctable de cause à effet lie les existences successives d'un être. Certains adeptes de cette croyance vont jusqu'à faire du karma une loi qui "garantirait toute justice pour chaque homme et entre tous les hommes ; elle laverait Dieu lui-même de toute accusation et servirait ainsi de théodicée " (4)

La notion de karma permet de constater que la croyance en la réincarnation se présente à bien des égards comme une approche morale de l'existence. Ses adhérents, même si leur approche peut différer d'un courant à l'autre, cherchent au travers d'une succession d'expériences à endurer leur destinée en lui assignant une dimension éthique. La responsabilité est engagée, on est placé devant l'exigence de subir les conséquences de ses actes, voire pour certains d'en expier la charge négative. Cette recherche révèle sans doute une quête plus large qui est de trouver un sens à sa vie.

Cette conception "rétributive " de la succession des existences a été largement contestée ou compensée par certains tenants occidentaux de la réincarnation. Ces derniers ne retiennent guère de la notion de karma que la possibilité d'un épanouissement continuel au gré des existences successives. Ceci dit, leur manière de vivre reflète parfois des qualités de relations humaines que nous aurions fort à envier !

Que peut dire la foi chrétienne de la notion de karma ?

On notera d'abord que la logique de rétribution témoigne d'une vérité que la théologie chrétienne, ne peut purement et simplement rejeter. Paul écrit « ne vous faites pas d'illusions : Dieu ne laisse pas narguer ; car ce que l'homme sème il le récoltera » (Ga 6.7). À ce sujet Denis Müller confirme que du point de vue éthique il y a un certain rapport entre le mal que nous commettons et ses conséquences, tout en reconnaissant que le Nouveau Testament n'exprime pas ce lien en terme de fatalité. Il ajoute du reste que "... dans la perspective chrétienne, la «justice immanente» qui découle de nos actes se voit dépassée, assumée et surmontée par la justice libératrice de Dieu, manifestée et réalisée une fois pour toutes sur la croix du Christ. Mais peut-on se contenter d'en rester là ?

Notre critique de la réincarnation doit prendre en compte les conséquences de nos actes à la lumière de la grâce de Dieu. Négliger la portée de nos actes, sous prétexte que par la grâce tout est effacé, c'est être voué à une existence malheureuse. Si la foi chrétienne offre l'annulation de la condamnation de Dieu, elle ne promet pas pour autant l'effacement de toutes les conséquences de nos actes. Et si nous cherchons une critique constructive de la réincarnation, nous pouvons nous inspirer de ce brillant résumé que nous offre le même auteur : "L'aveu du péché, par lequel le chrétien nomme la racine profonde du mal et de sa persistance dans le monde, ne signifie aucunement une chute dans la passivité, un renoncement à l'exercice des responsabilités. C'est au contraire un éveil de la conscience, un nouvel élan... " (5)

La place de l'expérience

Construire une critique dans cette direction, c'est témoigner du dynamisme induit par notre foi en la résurrection. C'est aussi montrer que la succession des existences n'est pas une croyance indispensable pour compenser les inégalités humaines. C'est encore attester quelque chose qui touche au coeur de l'attrait moderne pour la réincarnation : la fascination de l'expérience. La croyance en la réincarnation ose un discours qui dit : "j'ai vécu ça dans une vie antérieure..." Notre foi en la résurrection doit pouvoir annoncer en critique positive : des témoins ont vu le Christ ressuscité et ils en ont parlé, c'est pourquoi nous en parlons à notre tour et en faisons nous-mêmes l'expérience : la rencontre avec le Christ vivant produit un avant-goût du bonheur promis dans la résurrection, et déjà maintenant l'expérience de la vie éternelle.


1 Symbole des apôtres
2 Pour ces citations, voir Denis MÜLLER, Réincarnation et foi chrétienne, Genève, Labor et Fides, 1986, p.107.
3 Une autre orthographe possible : karman
4 ibid., p.102. La théodicée étant une tentative de "justifier Dieu" face au scandale du mal.
5 Ibid p.110

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