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Chemins de pardon, voies de guérison
4. Les dix étapes du pardon

Auteur :
Type : Dossier
Thème : Santé & Psychologie
Source : Aimer & Servir
Réf./Date source : 114  
Publié sur Lueur le
Sommaire du dossier :
  1. Chemins de pardon, voies de guérison
  2. Exemples de pardon, voies de guérison
  3. Les dix étapes du pardon

Le pardon n'est pas un acte ou une formule magique qui permettrait une restitution "Ad integrum" de la situation. On ne peut effacer le vécu ou faire comme si tel événement ou telle personne n'avait pas existé. La vie est faite de moments, de cheminements, d'étapes. La démarche du pardon peut prendre du temps ou être très rapide (de quelques minutes à plusieurs années) : tout dépend de l'offense ou des personnalités en cause ! Le temps importe peu, l'ordre des étapes aussi, mais chacune est quelque part un passage obligé.

1. Le préalable

Le préalable au pardon est de faire cesser l'offense ou de se soustraire à l'offense. Je me dois à moi-même de maintenir les conditions de ma survie. Une offense est une menace et je ne saurais l'accepter. Il y va de l'estime que je me dois et de la protection qu'il me faut pour pouvoir vivre.

2. Reconnaître ma blessure et m'avouer ma souffrance

Il n'est pas question de nier ou minimiser l'offense. Ce serait du refoulement, c'est-à-dire refermer une plaie infectée sans l'avoir nettoyée ; l'abcès se forme sous la suture et risque d'infecter tout le corps. Je dois me souvenir. Si j'oublie l'offense subie, je ne peux pardonner ! Pardonner, c'est donner gratuitement à quelqu'un ce qu'il m'a pris sans l'avoir demandé ou lui faire cadeau de la juste compensation que j'étais en droit d'en attendre ; reconnaître ma blessure, c'est aussi entrer dans ma vulnérabilité ! Une blessure révèle ma faiblesse. Vous connaissez l'expression "on est blessé au défaut de la cuirasse". La révélation au grand jour de ma faiblesse peut me procurer de la honte et briser l'image idéale que j'avais de moi-même : j'aurais aimé être forte. Mais non ! J'ai des limites, je peux parfois être faible, dépendante, incompétente, inadéquate, impuissante.

3. Trouver quelqu'un avec qui partager ma blessure, ma souffrance

Enfouir ma blessure, la ruminer, c'est le meilleur moyen de l'envenimer au fond de moi. Il me faut la dire, l'extirper par la parole. La parole dite est comme le drainage d'un abcès de pus, un drainage de toute l'amertume, la rancune et la douleur reçue à l'endroit de ma blessure. Il faut trouver une oreille bienveillante et chaleureuse, capable de donner réconfort et consolation. Ce peut être un proche. Mais la famille et les amis, parfois, ne savent pas comment répondre, sont désorientés, démunis. Ils peuvent aussi se lasser, surtout si la blessure est si profonde qu'elle a besoin de se dire et de se redire. Il faut savoir alors se tourner vers les professionnels de l'écoute thérapeutes, psychologues et psychiatres. Il faut du courage pour aller trouver quelqu'un d'inconnu et lui parler de soi, dépasser sa honte et accepter d'exposer ses faiblesses. Mais c'est aussi une manière de s'aimer soi-même et de se dire : "Je suis quelqu'un d'important à mes yeux et je vaux la peine de soigner mes blessures". En me blessant, l'autre a oublié les égards dus à tout être humain ; il m'a traité comme on traite une chose. Après cette blessure, j'ai besoin d'une démarche qui me replace dans mon entière humanité. Un psychothérapeute peut être ce vis-à-vis humain qui favorisera cette reconstruction.

4. Nommer ce que j'ai perdu pour entrer dans ce processus de deuil

Il me faut identifier la perte ; par la blessure qu'il m'a faite, mon agresseur m'a pris quelque chose. Par le souci ou la douleur créée, au minimum il m'a pris un peu de ma sérénité, de ma santé. Il m'a atteint dans mon intégrité. Il a terni l'image que je me faisais de moi-même. Par ailleurs, Il est important de séparer l'offense elle-même de mon ressenti et de l'interprétation que je m'en donne :

- mon ressenti peut-être exacerbé par un fait similaire, plus ancien, non soigné, et qui me fait réagir à l'offense présente de manière disproportionnée. Dans ce cas, il faut commencer d'abord par s'occuper de soigner l'offense la plus ancienne.

- au sujet de l'interprétation que je me donne de l'offense, elle est souvent programmée par l'apprentissage que j'ai fait dans l'enfance de ce genre de situation. Mais il est possible, en prenant conscience de cet apprentissage initial de réapprendre autrement. On ne peut changer les faits mais on peut changer l'angle sous lequel on les voit !

5. Accepter ma colère et l'envie de me venger

La colère, en tant que sentiment, est une bonne chose quand elle répond spontanément à une blessure. Elle me signale qu'il y a eu atteinte à l'intégrité de mon territoire et de plus, elle met à ma disposition l'énergie dont j'ai besoin pour rétablir mes frontières. Je dois simplement veiller à ne la laisser se dégrader, ni en jugement de condamnation qui réduit l'autre à son acte inacceptable, ni encore moins en passage à l'acte destructeur. En chacun de nous, il y a un enfant. Cet enfant s'est senti humilié, impuissant à se protéger. Il se sent coincé par sa peur et sa peine. Il rêve de reconquérir son pouvoir en infligeant à l'autre une cuisante défaite et pour cela, il va solliciter l'aide de toutes les parties disponibles de sa personnalité, spécialement de celles qui jugent et condamnent. Si, au lieu d'investir dans une démarche de jugement et de condamnation, je prends un peu de temps pour aider cet enfant (qui est moi-même) à exprimer jusqu'au bout son humiliation, sa peur et sa peine, dans un climat de respect, mes envies de vengeance ne tarderont pas à disparaître.

6. Comprendre mon offenseur

Il est important que je fasse l'effort de comprendre mon offenseur en essayant de voir les choses momentanément de son point de vue. Bien sûr, ce ne sera ni pour l'excuser, ni pour minimiser ce qu'il a fait, mais tout simplement pour être honnête et remettre le geste de l'autre dans son contexte concret. Son histoire l'a amené jusqu'à ce geste qui a croisé ma propre histoire. Mais à travers ce geste qui m'a blessé, l'autre tentait certainement d'obtenir quelque chose de bon pour lui-même. Dans cette perspective, n'oublions pas de nous rappeler que l'offenseur est un être humain qui ne peut être réduit à l'aspect mauvais de son geste. Cependant, même si l'on veut tout savoir sur son offenseur, on ne saura jamais percer totalement le secret, ni même découvrir tous les motifs de son geste, motifs souvent inconnus de lui-même. On se retrouve devant le mystère d'une personne vivante ; de sorte que comprendre l'offenseur, c'est accepter de ne pas tout comprendre !

7. Trouver un sens à ce qui m'est arrivé

Toute souffrance vraie, à condition de la scruter patiemment, m'apprend des choses importantes sur moi-même. Et par là même, m'ouvre des possibilités insoupçonnées pour moi-même et pour ma relation avec les autres. C'est ainsi que l'on peut découvrir le cadeau enfoui sous l'offense. Je suis pour ma part toujours émerveillée par les gens dont la vie manifeste ce point. Par exemple, je pense à ces parents remarquables qui, après avoir subi la perte d'un enfant à cause d'un agresseur pervers ou d'une maladie incurable, fondent une association d'aide pour les autres parents dans le même cas. Je pense aussi à ce patient, cet homme chef d'entreprise à la vie bien remplie, dont le fils toxicomane l'a énormément blessé, et qui, pour sa part, a fondé une association pour la prévention de la toxicomanie par la vente de jouets pour les enfants.

8. Décider de ma réponse à cette blessure

Répondre autrement que par la vengeance : me venger, ce n'est pas exiger une juste réparation pour le tort que l'on m'a causé, mais plutôt faire du tort parce qu'on m'a fait du tort. C'est prendre pour modèle un comportement destructeur dont je fais déjà les frais. En quoi cela pourrait-il me construire ? Si consciemment et volontairement je fais comme mon agresseur, en me vengeant, au nom de quoi puis-je lui reprocher son geste ? Me venger enclenche une spirale sans fin l'autre ne va-t-il pas à son tour vouloir se venger de ma vengeance ? Me venger, ce serait investir pour prolonger un passé de souffrance au lieu d'investir dans la guérison de ma blessure.

Décider de cesser de nourrir consciemment le vécu affectif de mon passé : la vie est devant. Les émotions doivent être exprimées. Il faut le temps nécessaire à cela. Les thérapeutes sont là pour donner temps et lieu, un espace à l'expression de ces émotions. Mais cet espace a des limites. Me poser en victime perpétuelle est une attitude qui peut m'apporter des avantages car je sollicite de la consolation. Je peux aussi réduire ma vie à ce malheur et entrer en relation avec les autres par ce moyen et en obtenir considération, voire célébrité. Je deviens important aux yeux des autres par ce moyen, cette offense. Mon besoin de protection peut être tellement grand que mon offense peut être le moyen tout trouvé de solliciter constamment amis, famille, milieu médical. Mais pour vivre pleine ment, je dois grandir et renoncer à ce que les autres me plaignent toujours et me protègent. Je dois assumer les responsabilités de ma vie à venir sans me cristalliser sur ma souffrance passée.

Dire à son offenseur : je te pardonne ! Ce pardon est une condition de survie. C'est ne plus permettre à l'autre, par son offense passée, de continuer à me faire du mal dans le présent. Je lui permets de continuer à me blesser si je reste dans le monde de la vengeance ou si je persiste à me considérer comme une victime. Le pardon est un événement ; c'est-à-dire qu'il y a un avant et un après. C'est une décision consciente et motivée qui vient au terme d'un long cheminement. Le pardon est un don gratuit. C'est moi qui décide que je suis prêt et que je le donne. Le pardon est un rapport personnel entre l'offensé et l'offenseur. Il est important qu'il soit délivré explicitement.

9. Se pardonner à soi-même

Ce pardon à soi-même conditionnera le pardon accordé à l'autre. C'est dans la mesure où je prends conscience et accepte mes limites et ma finitude que je peux avoir compassion de l'autre et lui pardonner. Pour se pardonner à soi-même, il faut s'aimer. Or souvent, on est pétri de mésestime envers soi-même, voire de haine. Cette hostilité envers soi vient tout d'abord des messages négatifs reçus dans l'enfance de la part de parents impatients, agressifs, malades ou d'éducateurs maladroits ou mal intentionnés. Il se forge ainsi un complexe d'infériorité qui peut me rendre toujours déçu de moi-même. Je dois me pardonner de ne pas être forcément comme les autres attendaient que je sois. Je dois accepter d'être ce que je suis et me regarder avec mes propres yeux en me libérant du regard dévalorisant ou désapprobateur qui a pesé sur l'enfant que j'étais. Une autre raison de l'hostilité envers soi vient de la recherche d'un bonheur et d'une perfection absolue. Ce désir d'être irréprochable, parfait, tout puissant, entre en conflit avec la réalité de notre humanité limitée. Grandir, c'est apprendre à accepter sa finitude et tolérer son sentiment de culpabilité de ne pas être parfait. Je n'ai pas à m'enfermer dans des regrets éternels de ce que j'aurais dû faire ou être. En réalisant et me pardonnant mes propres failles, je peux concevoir et pardonner celles d'autrui.

1. Décider de ce que je veux faire de cette relation

Pardonner, ce n'est pas forcément rétablir la relation. Beaucoup de gens ne pardonnent pas parce que pour eux pardonner voudrait dire recommencer comme avant. Non, pardonner c'est décider, après avoir consacré un temps suffisant à l'écoute de ma blessure et à l'expression des sentiments qui y sont liés, de ne plus investir concrètement d'énergie dans ces mêmes émotions ; le pardon concerne le passé. Pour le présent et pour l'avenir, je suis responsable de répondre aux questions suivantes

  • une relation est-elle constructible entre moi et mon agresseur ?
  • Si oui, à quelles conditions et à quel prix ?
  • Cela vaut-il la peine de payer ce prix-là ?

Commentaires (1)

par natale

Magnifique texte merci . Les dix étapes du pardon, voilà de quoi guider mes réflexions et nourrir mes soirées.

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